La salle d'audience du tribunal de Oued R'hiou (cour de Relizane) a connu une grosse affluence. Trois inculpés d'homicide involontaire et de blessures involontaires comparaissent en correctionnelle. L'excès de vitesse des fêtards et le manque de sang-froid du routier, ont causé la mort de quatorze personnes. La justice se prononce durant quatre heures. Sid H'med Mokhbat est un jeune routier qui en est à son deuxième jour de mariage. Il a repris le volant sur Oran. Le retour en ce mois d'août 2004 sera marqué d'une pierre... blanche car des fêtards arrivent dans le désordre... En plein carrefour Oran-Tiaret, le routier aperçoit deux jeunes étudiants bougiotes arborant un carton où sont transcrits les chiffres 16 Alger. Il invite les deux auto-stoppeurs à monter dans la cabine du semi-remorque de dix-huit mètres de long. Il prend la précaution de fouiller les deux cabas des enfants de la «p'tite Kab.» et reprend la route. Chemin faisant, les trois bonhommes discutent à bâtons rompus. Après Relizane, au niveau d'un barrage de routine de la GN, les papiers sont vérifiés. Le mastodonte redémarre sur El-Hmadna, c'est une côte difficile à franchir. La salle d'audience est pleine à craquer. Les deux tiers sont venus de Baraki d'où les proches et amis ont tenu à assister aux débats publics. Et ici, il faut de suite rendre hommage au juge qui a su dépassionner, avec beaucoup de doigté, les faits regrettables même s'ils demeurent graves. Même le procureur de la République a requis dans les limites de la loi, deux ans fermes pour les trois inculpés. Sid H'med, le chauffeur du J9 et le fuyard, le fameux chauffard de la 505, responsable de la catastrophe. Maîtres Hassani, Gasmi, Abora et Fodil ont plaidé, chacun dans son domaine, le dossier sans passion. Pour la partie civile, ce vieux renard de Hassani a tout de même réussi à émouvoir l'assistance en rappelant les larmes des familles des disparus et des blessés. Me Fodil répliquera par un cinglant: «Vous avez devant vous les larmes de la famille Mokhbat qui vient d'assister ce jour au «blanchiment» de son fils que l'expertise et le PV de la GN désignent». La ligne continue empêche tout dépassement. Le poids lourd est seul sur la RN 4, roulant entre 50/60 km/h. Soudain, une demi douzaine de véhicules foncent sur le goudron fumant en cette canicule d'août. Sid H'med n'a pas le temps de s'apercevoir de quoi que ce soit. Une «505» pleine de jeunes chahutant, chantant, hurlant, arrive en plein sur le semi. Le choc est effrayant. Le «monstre de métal» bascule, il prend, suite à ce déséquilibre, un J9 plein à craquer, une Nubira et deux autres véhicules et c'est la catastrophe. Quatorze morts seront recensés. Les gendarmes arrivent peu après. Entre-temps, le chauffeur de la 505 s'est évanoui dans la nature. Sid H'med et ses deux passagers se retrouvèrent à l'hôpital tout comme une vingtaine de fêtards. La fête tourne au drame. Le cortège n'arrivera jamais à Oran. La mariée devra attendre... Le routier, lui, se verra reprocher de n'avoir pas su éviter le sinistre à temps... Côté justice, motus et bouche cousue. Ce drame dont la presse s'est fait l'écho est, eh oui, somme toute, un accident de la circulation, va faire un malheureux! Le routier qui n'y était pour rien. Ce sont les membres du cortège qui doublaient, faisaient la course et la fête sur la RN 4. Probablement, «sonné» par l'ampleur du sinistre, le juge d'instruction mène son enquête non plus sur le «flagrant délit» mais avec une précaution désarmante. A Oued R'hiou, l'opinion locale se fait du mouron: «Ce jeune Médéen, résidant à Baraki, est en train de dépérir sans que le procès en correctionnelle ne s'ouvre. Il a fallu une plainte des avocats auprès du procureur général de Relizane et du président de la cour pour que les choses s'accélèrent dans le respect de la loi. Le procès se tient le lundi. Le chauffard de la 505 ne se présente pas à la barre malgré le mandat de dépôt lancé contre lui par le juge d'instruction. Il n'y est pour rien dans cet accident. Il ne pouvait pas risquer sa vie. Car sa jeune épouse l'attendait. Il n'avait donc aucune raison de faire de la vitesse avec un poids lourd dont le compteur est bloqué à 80 km/h!», s'est exclamé Me Djamel Fodil qui n'a demandé que la relaxe de Mokhbat. Le juge se retire, délibère et revient avec un verdict qui rend le sourire à la famille Mokhbat. Il sera libre le mercredi 29 décembre 2004, ce qui lui fera quatre mois de prison ferme, verdict qui a sanctionné les débats. Les initiés vous diront que le juge a, en condamnant le routier, voulu couvrir la détention et cela est blessant pour l'esprit de justice puisque entre les 24 mois requis par le parquet et les quatre prononcés, il y a de l'eau qui va couler sous les ponts entre Relizane et Baraki. Les deux autres inculpés au même titre que le routier, ont écopé de quatre mois de prison ferme et un an ferme pour le chauffard.