Défi «Je ne vous accorderai pas ma voix.» La sanction de l'habitante du quartier Bruxelles de Bangui est tombée tel un couperet. «Je suis vieille et fatiguée», justifie-t-elle, mais vous m'avez obligée à fuir en République démocratique du Congo. J'y ai souffert deux ans.» Face à elle, le candidat Martin Ziguélé encaisse sans broncher. Une fois encore, l'adversaire du président sortant François Bozizé pour l'élection présidentielle du 8 mai vient d'être rattrapé par son passé. Dans les quartiers sud-est de la capitale centrafricaine, les cicatrices des terribles exactions commises en 2001 et 2002 par ceux que la population appelle les Banyamulenge, les miliciens du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba venus prêter main-forte à l'ancien président Ange-Félix Patassé, sont toujours à vif. Alors, comme à chacune de ses visites depuis le coup d'envoi de la campagne officielle pour le second tour, l'ex-Premier ministre du président déchu, soutenu par le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) du même président déchu, affronte la colère de la population. «J'ai été blessée par balle, personne ne m'a aidée à me soigner et vous sollicitez ma voix ? Je vous dis non», lui lance à la figure une jeune femme à La Kouanga, un quartier sud de Bangui. Face à ces récriminations, Martin Ziguélé tente d'argumenter. A tous il assure que le chef de gouvernement qu'il fut de 2001 à 2003 n'a eu aucune responsabilité dans les violences perpétrées par les Banyamulenge. Au contraire, il retourne même l'argument contre son rival François Bozizé. «Les Banyamulenge ont été invités dans ce pays en 2001 par le chef suprême des armées (le président Patassé, ndlr) sur les conseils du général François Bozizé, qui était alors le chef d'état-major des armées», répète-t-il. «A aucun moment je n'ai été informé ni consulté. J'ai la conscience tranquille sur ce point-là.» Pour se dépêtrer de l'image de proche du «méchant type à la barbe blanche» que son rival ne rate jamais une occasion de lui attribuer, Martin Ziguélé joue à fond la carte de l'Union des forces vives de la Nation (UFVN), la coalition anti-Bozizé constituée avant le premier tour. Tout au long de la semaine, sa caravane d'une dizaine de voitures a déversé dans Bangui sa musique et ses banderoles blanches de l'UFVN. «Tout se fait au nom de l'Union», assure Yannick Nambélé, un des membres de sa direction de campagne. «Le MLPC, qui soutient Martin Ziguélé, agit maintenant au sein de l'Union, même s'il en reste la principale formation», poursuit M. Nambélé, lui-même membre du MLPC.