InfoSoir : M. Djouadi, vous avez été, vous-même, victime d?une MAP avant l?indépendance. Comment cela est-il arrivé ? Mohamed Djouadi : J?avais 14 ans. Ce jour-là, le 18 août 1959, je rentrais de l?école quand j?ai été ramassé par les colons avec d?autres Algériens pour leur servir de boucliers. On devait fouiner avec de petits moyens, sinon à mains nues pour dégager les mines. Un colon tué devait être vengé par l?exécution de dix Algériens. Une mine a explosé pendant que je fouillais. Miraculeusement, je n?ai perdu aucun membre. Mais j?ai été gangrené. J?ai été hospitalisé pendant près de trois années à l?hôpital Lavigerie (Hakim-Saâdane) de Biskra du 18 août 1959 au 15 janvier 1961. D?après ce qu?on sait, vous en souffrez toujours? La France a planté près de 35 000 mines sur une superficie de 11 km2. Soit trois à quatre mines à chaque kilomètre carré. Quelques-unes ont été déplacées par l?effet des vents, de la neige, des glissements de terrain ou des intempéries. Ces mines sont des poisons pour le corps humain. 46 ans après, à l?âge de 60 ans, j?en souffre toujours. Les blessures n?ont toujours pas disparu. Parlons un peu de l?association? L?Association nationale de protection des victimes des mines antipersonnel a été créée en 2002. Son siège national est à Biskra. Elle a des bureaux dans 22 wilayas et a été créée par 179 personnes toutes victimes des MAP. L?association compte-t-elle des membres victimes d?avant l?indépendance ? Oui certainement nous avons des membres touchés lors de la Révolution entre 1954-1962 ainsi que les victimes après l?indépendance surtout dans les frontières de l?Est et l?Ouest. Ce sont les régions les plus à risque ? Je tiens à signaler que les mines ne sont pas seulement aux frontières. Mais il en existe toujours dans les oueds, les villages, les montagnes. Même les nomades en souffrent. Les victimes sont-elles mutilées physiquement seulement ? Oh non, nous avons beaucoup de personnes qui sont devenues malades mentales. D?autres ont des problèmes sensoriels (aveugles et sourds ). Quelles sont vos activités ? Nous nous déplaçons à travers toutes les régions du territoire national où se trouvent les MPA dans le but de sensibiliser les citoyens et les enfants dans les écoles, les universités... Que demandez-vous en tant qu?association ? En premier lieu, l?Algérie devra demander des droits et des dommages auprès de l?ex-colonialisme. Elle devrait aussi bien prendre en charge cette catégorie de la société qui ne cesse d?augmenter en nombre. Ce ne sont pas seulement les personnes qui sont touchées, mais encore plus les terres agricoles, les animaux de chasse protégés ainsi que les plantes. Votre message? Une carte des mines devrait être dressée dès que possible pour éviter d?autres massacres. Il faudrait aussi établir une stratégie de déminage en collaboration locale et internationale pour se débarrasser de ces engins de la mort. (*) Président de l?Association nationale de protection des victimes des mines antipersonnel.