Sélection Les frères Helme n?ont pas le même souvenir de ce passé en Algérie. Jean, l?aîné est nostalgique. Tandis que Bernard, son cadet, ne se rappelle que la Guerre. «Je suis né en 1942, à la rue Courbevoie, à Belfort, dans un environnement fort sympathique. J?avais pour amis les enfants Sellal et d?autres amis algériens notamment un chirurgien, Kouini, décédé malheureusement, d?après ce qu?on m?a dit. Il venait chez moi et j?allais dans sa maison turque en face. J?ai grandi dans ce quartier. En ce qui me concerne, je suis revenu en Algérie, il y a vingt ans, en 1982 à 40 ans, alors que j?avais 20 ans quand je suis parti en 1962. Je fais aujourd?hui un autre pèlerinage en Algérie à 62 ans. Vous savez, je suis revenu en Algérie, il y a vingt ans parce que j?en étais parti brutalement. On m?a mis dans un avion. Je n?ai pas compris pourquoi. Puis quelque temps après, j?ai compris que c?était définitif puisque le retour immédiat était impossible. On oublie l?Algérie un petit peu et lorsqu?on atteint les trente ans, on devient plus mature, on commence à se pencher sur le passé, alors j?avais fortement envie d?y revenir. Il y a une opportunité qui s?est présentée, je l?ai saisie. C?était à l?occasion d?un comité d?entreprise où travaillait ma femme, à l?époque, donc je me suis embarqué avec une cinquantaine de personnes, d?anciens pieds-noirs et d?anciens métropolitains qui avaient effectué leur service militaire ou qui avaient servi comme fonctionnaires en Algérie, ou connu ce pays à différents titres. Nous avons fait un périple d?une semaine en Algérie. Je ne connaissais pas alors l?Algérie, en dehors de Maison-Carrée et de Cap-Matifou où j?ai passé quatre ans, en tant qu?interne à l?Ecole nationale professionnelle de l?air. Donc c?était l?occasion de faire ce périple par Tipaza, Bou Saâda, Biskra, Batna. J?ai connu cette Algérie vingt ans après. Evidemment, mon quartier avait beaucoup changé. Ma maison avait été agrandie. C?était une petite maison qui appartenait à mes grands-parents maternels, très modeste et là elle avait changé de look, mais très bien entretenue par ses nouveaux occupants. Je ne suis pas rentré à l?intérieur de mon ancienne demeure, car elle a changé. J?ai préféré garder l?image d?antan. Le quartier a également changé. On avait l?impression d?avoir vécu dans des rues beaucoup plus longues, beaucoup plus larges, devenues plus courtes et plus étroites. La mémoire a été faussée quoi ! On reconnaît tout de même les maisons d?anciens voisins français et celles des algériens. Bien sûr, c?est un choc, mais cette fois-ci, c?est différent. Au sortir du cimetière, ce matin, nous sommes partis mon frère et moi à pied. Aussitôt, quelqu?un, visiblement de mon âge, m?interpelle. Vraisemblablement il avait des connaissances dans le quartier. Alors nous nous sommes rendu compte que nous avions des connaissances communes. Ce monsieur s?est proposé de nous emmener dans notre ancien quartier. Je lui ai parlé d?un ancien ami que je voulais revoir. Il a tout fait pour le contacter Vers 13 h, Abderrazak, mon ami Algérien, de mon âge, avec qui j?ai fait le lycée est apparu. Nous sommes tombés dans les bras l?un de l?autre et nous avons évoqué des souvenirs communs, notamment le lycée, notre adolescence, et particulièrement les colonies de vacances, à Yakouren, en Kabylie. C?était entre 1951 et 1953. Je me souviens encore du square où je m?amusais et jouais au foot, mon école en face du cinéma le Splendide à Belfort, où j?ai eu un maître algérien M. Bentemoune en CE2-CM1. Enfin, 42 ans c?est trop pour recoudre un fil de la mémoire». Bernard, plus jeune, a quitté l?Algérie à l?âge de 13 ans. Lui, se rappelle une autre Algérie, celle de la guerre. Son plus beau souvenir c?est lorsqu?ils se rendaient à l?aérodrome d?Alger pour voir les avions atterrir et décoller. Les frères Helme ne parlent jamais de leur passé en Algérie à leurs enfants. Pour eux ce retour permettra d?ouvrir une page sur ce sujet.