Faute de place dans certains cimetières, on a appris, ces dernières années, à ouvrir les anciennes tombes et à y enterrer de nouveaux morts, membres de la même famille. Malgré cela, on continue à dire : Mkul wahed b qabru, (chacun a sa propre tombe). Mais la tombe dont il s?agit ici est, avant tout, un espace symbolique : c?est celui du lieu où on se retrouve seul, face à ses actes, pour subir le questionnement des anges interrogateurs. C?est encore cette fonction symbolique qui prévaut dans l?expression khuf leqbar, (la peur de la tombe). On la répète pour se garder de faire du mal ou de répondre à une incitation à faire le mal : ana, nkhuf leqbar ! (moi, j?ai peur de la tombe !) Cela dit, les tombes ne sont pas moins des réalités bien physiques, puisqu?on les reconnaît immédiatement à leur forme : un monceau de terre, quand elles ne sont pas construites, et des dalles cimentées ou en marbre quand elles le sont. Autrefois, surtout dans les campagnes, les tombes n?étaient pas construites et on se contentait, pour les signaler, de pierres témoin ? ch-hud ? que l?on plantait de part et d?autre. Il n? y avait pas non plus d?inscription : les vivants connaissaient les noms et retrouvaient les tombes, mais au bout de deux ou trois générations, on oubliait les noms des morts enterrés dans cet endroit : les défunts tombaient ainsi dans l?anonymat, ce qui est, explique-t-on, dans l?ordre des choses, puisque seul Dieu est Eternel. Aujourd?hui, les tombes sont, pour la plupart, construites et beaucoup sont même joliment décorées, avec, bien sûr, le nom et le prénom du défunt, sa date de naissance et celle de son décès, parfois son portrait est gravé dans le marbre. Il y a aussi des formules coraniques, des inscriptions en arabe, en français et même en berbère, exprimant toute la douleur des parents des défunts.