«Ljanaza h'arra u mkul wahed yebki b hemmu» (aux funérailles on verse de chaudes larmes mais en réalité, chacun pleure son malheur). D'ailleurs, aux funérailles, les femmes n'hésitent pas à crier le nom de leur disparu et à le pleurer à la place du mort ! On dira que c'est humain et que la mort d'une personne rappelle celle d'une autre, mais les convenances exigent que l'on n'exprime pas sa propre douleur devant la douleur des autres. A chacun sa souffrance, à chacun son temps de larmes et son deuil ! Il y va des funérailles où on pleure ses disparus comme de toutes les choses de la vie : on n'?uvre que pour soi, on n'entreprend que pour soi, on ne combat que pour soi. Un autre proverbe illustre encore cette vérité : «Lkelb yenbeh' a?âla ruh'u u mûI al darr yeh'seb a?âlih» (le chien aboie pour lui-même et le maître de maison considère que c'est pour lui). On bénéficie de la considération et de la gratitude de personnes qu'on n'a pas, en fait, aidées. Et le bénéficiaire continue à faire croire qu'il a réellement rendu service. On dira qu'il est bon, généreux, serviable... Une réputation qui n'est pas méritée ! En Kabylie, on connaît l'anecdote de la vieille femme qui fabrique chaque jour son petit-lait et son beurre. Elle est si avare qu'elle n?en offre jamais aux autres. Or voilà qu'un jour, alors qu'elle secoue énergiquement sa baratte, une motte de beurre tombe dans le kanoun, le foyer creusé dans le sol. Le beurre se met aussitôt à fondre. La vieille veut plonger la main pour le retirer, mais elle a peur de se brûler. Le beurre fond donc inexorablement sous le regard désolé de la vieille. Au moment où il disparaît, elle a cette réflexion : «Cette motte, je la donne à Dieu pour qu?il m'épargne les peines de l'Enfer !» Elle n'a plus de beurre, mais au moins, qu'elle tire bénéfice d'une bonne action... qu'elle n'a pas faite !