Les Algériens, comme tant d?autres peuples dans le monde, ont horreur des ingrats et de l?ingratitude. N?est-il pas décevant, en effet, de faire le bien à quelqu?un et de n?avoir en retour qu?indifférence ? Pire que l?indifférence, certains ingrats n?hésitent pas à se retourner contre leurs bienfaiteurs et à leur faire du mal. «Ya nekkar elkhir», dit-on, littéralement «négateur du bien ou du service rendu», plus prosaïquement «oublieux, égoïste, mesquin». On cite, pour illustrer cette réalité, la fable de l?homme et du serpent. Un paysan, allant aux champs par un matin d?hiver, trouve, sur son chemin, un serpent transi de froid. Il le met dans le capuchon de son burnous pour le réchauffer. Et voilà que le reptile reprend vie et s?enroule autour du cou de l?homme dans l?intention de le tuer. «Hé !, crie l?homme. Tu me rends le bien par le mal ! ? C?est la règle, dit la bête, je vais te tuer !» L?homme réclame un jugement. «D?accord, dit le serpent, nous prendrons le premier venu comme juge et il tranchera entre nous ! Mais je sais d?avance qu?il me donnera raison !» Un hérisson passe et on lui propose d?examiner le litige entre l?homme et la bête et de porter un jugement. «Descends sur terre, dit le hérisson au serpent, les litiges se jugent sur terre et pas au ciel. je ne peux t?écouter si tu restes en haut !» Le serpent descend. «Tue-le !», crie le hérisson à l?homme, qui s?empare de son bâton et fait éclater la tête de l?ingrat. Débarrassé du serpent, l?homme cherche le hérisson : «Il fera un bon souper pour mes enfants !» Mais heureusement, connaissant l?ingratitude des êtres, hommes et bêtes, il a pris la fuite ! (à suivre...)