Histoire Al-Djaza?ir a suscité la convoitise de nombreux conquérants, mais elle a réussi à conserver une grande partie de son autonomie et même à devenir une sorte de «petite République. Profitant de l?anarchie qui régnait au Maghreb central vers la fin du XVe siècle, les Portugais et les Espagnols, qui venaient d?achever la Reconquista de la péninsule ibérique et de chasser la plupart des musulmans qui s?y étaient établis depuis plusieurs siècles, s?enhardissent à prendre pied en terre africaine et à se bâtir des présides ou places fortes par où elles peuvent surveiller les villes. Ces entreprises avaient, comme on l?a souvent écrit, des mobiles religieux, dont celui de prendre une revanche sur l?islam et de le combattre sur son propre territoire ; mais il y avait aussi des motifs bassement matérialistes avec, au bout, le pillage des richesses et l?asservissement des peuples des territoires conquis. Melilla, au Maroc, est occupée dès 1497 ; Mers-el-Kebir, sur la côte ouest algérienne, est prise en 1505 ; Oran tombe en 1509 et, une année après, c?est le tour de Béjaïa? Les chroniqueurs rapportent qu?à Oran, un traître aurait livré à l?ennemi près de quatre mille personnes qui auraient été massacrées sur ordre du fanatique cardinal Ximénes de Cisneros, qui ne cessait d?appeler à la croisade en terre africaine. Le même cardinal retire aux musulmans les deux plus grandes mosquées de la ville pour les transformer en églises. Après la prise d?Oran et les exactions qui y ont été commises, plusieurs villes de la côte algérienne prennent peur et décident de payer un tribut aux Espagnols : c?est le cas de Dellys, de Cherchell et de Mostaganem. Ténès, elle, qui était très vulnérable, avait déjà passé un accord avec les Espagnols avant la prise d?Oran. Alger, elle, a accepté de livrer à Pedro Navarro un des îlots de son port où va être construit le Penon, le rocher, une forteresse, dont les canons, pointés sur la ville, vont peser comme une menace. Des remparts de la Casbah, on pouvait voir ces armes terribles : pas moyen pour les Algériens de sortir en mer ou de recevoir des navires si les Espagnols n?en donnaient pas l?autorisation? Pas moyen aussi pour les corsaires, d?écumer les mers, comme ils le faisaient autrefois, à la recherche de la fortune ! Alger n?était pas, à l?époque, une grande ville : l?ancien comptoir phénicien, Ikosim, devenu un petit port romain du nom d?Icosium, a été réaménagé par Bologhine Ibn Ziri, dans la seconde moitié du Xe siècle, en cité florissante. La ville a reçu le nom de Djaza?ir, en arabe «les îles», en référence aux quatre îlots qui se trouvent sur sa côte. On disait aussi Djaza?ir Banu Mezghana ou Mezghana tout court, en référence à la tribu berbère qui l?occupait. Al-Djaza?ir a suscité la convoitise de nombreux conquérants, mais elle a réussi à conserver une grande partie de son autonomie et même à devenir, comme l?a si bien dit un historien, une sorte de «petite République, administrée par une oligarchie bourgeoise». En ce début du XVIe siècle, la ville était gouvernée par un certain Cheikh Salim Toumi. Celui-ci vit sous la menace constante des Espagnols qui, pour le moment, sont cantonnés dans leur forteresse, mais il n?est pas exclu qu?un jour, ils bombardent la ville, pour l?occuper, s?ils reçoivent des renforts par la mer. Comme ils ont occupé Mers-el-Kébir, Oran et Béjaïa. Il fallait prendre les devants? La nouvelle de la mort du roi d?Espagne, Ferdinand le Catholique, va lui en donner l?occasion : il se considère, en effet, comme relevé du serment d?obédience envers ce roi et veut en profiter pour secouer la domination espagnole. Ne pouvant chasser l?ennemi lui-même, il décide, avec l?appui du diwan (son gouvernement), de faire appel au Turc Aroudj, arrivé depuis quelque temps au Maghreb. (à suivre...)