Couleurs n Une exposition-rétrospective de Baya, illustre peintre, se tient, depuis mercredi, au musée des beaux-arts. Quatre-vingts tableaux y sont exposés, accrochés sur les cimaises du musée : certains font parties du fonds muséal, d'autres de collections privées, et d'autres encore de l'héritage familial de Baya estimé à une cinquantaine d'œuvres. S'organisant comme un voyage dans un univers fait surtout de couleurs et d'être féeriques, l'exposition se veut un hommage à l'artiste, Baya, qui, par son imaginaire vivant et son inspiration créatrice, a marqué, d'une façon significative, l'art en général, et notamment la peinture algérienne. Il est à souligner que depuis 1963 aucune autre exposition n'a été consacrée à Baya. C'est donc par un devoir de mémoire, «c'est pour agir contre l'oubli», dira Mehieddine Othman, son fils, pour qui cette exposition constitue une manière de faire connaître Baya ainsi que son art aux nouvelles générations. Quatre-vingts tableaux offrent au regard une manière de dire et de faire la peinture. L'univers de Baya est spectaculaire, sensationnel et enchanteur tant le contenu pictural se révèle dynamique et pétulant. Baya est d'abord un nom, puis un langage, un art, un art qui se dit doublement, spécifiquement en couleurs et en formes. Ces deux données s'appellent et se complètent dans une cohérence de composition qui s'articule telle une mélodie musicale. Ses peintures sont peuplées d'ailleurs d'instruments de musique venant leur conférer la tonalité, la mesure et le rythme. Baya compose un monde purement imaginaire, le sien, un monde où apparaît dans un décor luxuriant, une végétation exubérante des êtres fantastiques, magiques, des êtres mirifiques. Trois mondes (l'un est végétal, l'autre est animal et un autre est humain) se côtoient, se mêlent dans une même spatialité d'une manière telle que se crée un monde hybride. L'animal se reconfigure en végétal, et la plante se mue en animal – tout en préservant leur originaire respective. Quant à l'être humain, incarné par le personnage de la femme, il apparaît doublement : il est à la fois végétal et animal. L'on parle simultanément de femme-végétal, ou de femme-oiseau, ou encore de femme-poisson. Personnage récurrent, la femme, surnaturelle dans son apparat insolite, curieusement inspiré de la nature, se révèle étonnement comme étant une métaphore, une vision certes enchanteresse de la femme, mais loin d'être simpliste, réductrice. La femme, chez Baya, renaît librement, d'une façon exubérante. Enfin, qu'est-ce qu'on peut dire encore de la peinture de Baya si ce n'est qu'elle est merveilleuse, fastueuse, donc riche et profuse, et attachante. Baya est aussi un langage neuf et sincère : une approche nouvelle et individuelle de l'art. C'est un langage authentique et profondément inspiré, franchement senti. Baya est une école, une référence en matière de peinture, donc d'art. Il est à souligner que cette exposition entre dans le cadre de «Alger, capitale de la culture arabe» et elle s'inscrit dans un cycle d'hommages pour les grands noms de la peinture algérienne que le musée national des beaux-arts s'emploie, depuis une année, à initier, et cela à travers des expositions.