Résumé de la 40e partie Boudroulboudour raconta au sultan tout ce qui lui était arrivé pendant ces deux fâcheuses nuits. Il en fut vivement affecté. Le fils du grand vizir continua : «Je ne vous parle pas de la frayeur que j'ai eue de me sentir enlever quatre fois dans mon lit, sans voir qui enlevait le lit et le transportait d'un lieu à un autre, et sans pouvoir imaginer comment cela s'est pu faire. Vous jugerez vous-même de l'état fâcheux où je me suis trouvé, lorsque je vous dirai que j'ai passé deux nuits debout et nu, en chemise, dans une espèce de privé étroit, sans avoir la liberté de remuer de la place où je fus posé, et sans pouvoir faire aucun mouvement, quoiqu'il ne parût devant moi aucun obstacle qui put vraisemblablement m'en empêcher. Après cela, il n'est pas besoin de m'étendre plus au long pour vous faire le détail de mes souffrances. Je ne vous cacherai pas que cela ne m?a point empêché d'avoir, pour la princesse mon épouse, tous les sentiments d'amour, de respect et de reconnaissance qu'elle mérite ; mais je vous avoue de bonne foi qu'avec tout l'honneur et tout l'éclat qui rejaillit sur moi d?avoir épousé la fille de mon souverain, j'aimerais mieux mourir que de vivre plus longtemps dans une si haute alliance, s'il faut essuyer des traitements aussi désagréables que ceux que j'ai déjà soufferts. Je ne doute point que la princesse ne soit dans les mêmes sentiments que moi, et elle conviendra aisément que notre séparation n'est pas moins nécessaire pour son repos que pour le mien. Ainsi, mon père, je vous supplie, par la même tendresse qui vous a porté à me procurer un si grand honneur, de faire agréer au sultan que notre mariage sot déclaré nul.» Quelque grande que fût l'ambition du grand vizir de voir son fils, gendre du sultan, la ferme résolution néanmoins où il le vit de se séparer de la princesse fit qu'il ne jugea pas à propos de lui proposer d'avoir encore patience au moins quelques jours pour éprouver si cette traverse ne finirait point. Il le laissa, et il revint rendre réponse au sultan, à qui il avoua de bonne foi que la chose n'était que trop vraie après ce qu'il venait d'apprendre de son fils. Sans attendre même que le sultan lui parlât de rompre le mariage, à quoi il voyait bien qu'il n'était que trop disposé, il le supplia de permettre que son fils se retirât du palais, et qu'il retournât auprès de lui, en prenant pour prétexte qu'il n'était pas juste que la princesse fût exposée un moment davantage à une persécution si terrible pour l'amour de son fils. Le grand vizir n'eut pas de peine à obtenir ce qu'il demandait. Dès ce moment, le sultan, qui avait déjà résolu la chose, donna ses ordres pour faire cesser les réjouissances dans son palais et dans la ville, et même dans toute l'étendue de son royaume, où il fit expédier des ordres contraires aux premiers ; et en très peu de temps toutes les marques de joie et de réjouissances publiques cessèrent dans toute la ville et dans le royaume. (à suivre...)