Résumé de la 38e partie La sultane fit appeler le fils du vizir pour avoir sa version. Les réjouissances continuèrent toute la journée dans le palais ; et la sultane, qui n'abandonna pas la princesse, n'oublia rien pour lui inspirer la joie et pour lui faire prendre part aux divertissements qu'on lui donnait par différentes sortes de spectacles ; mais elle était tellement frappée des idées de ce qui lui était arrivé la nuit qu'il était aisé de voir qu'elle en était tout occupée. Le fils du grand vizir n'était pas moins accablé de la mauvaise nuit qu'il avait passée ; mais son ambition le fit dissimuler et, à le voir, personne ne douta qu'il ne fût un époux très heureux. Aladdin, qui était bien informé de ce qui se passait au palais, ne douta pas que les nouveaux mariés ne dussent coucher encore ensemble, malgré la fâcheuse aventure qui leur était arrivée la nuit d'auparavant. Aladdin n'avait point envie de les laisser en repos. Ainsi, dès que la nuit fut un peu avancée, il eut recours à la lampe. Aussitôt le génie parut, et fit à Aladdin le même compliment que les autres fois, en lui offrant son service. «Le fils du grand vizir et la princesse Badroulboudour, lui dit Aladdin, doivent coucher encore ensemble cette nuit ; va, et, du moment qu'ils seront couchés, apporte-moi le lit ici, comme hier.» Le génie servit Aladdin avec autant de fidélité et d'exactitude que le jour de devant. Le fils du grand vizir passa la nuit aussi froidement et aussi désagréablement qu'il l'avait déjà fait, et la princesse eut la même mortification d'avoir Aladdin pour compagnon de sa couche, le sabre posé entre elle et lui. Le génie, suivant les ordres d'Aladdin, revint le lendemain, remit l'époux auprès de son épouse, enleva le lit avec les nouveaux mariés et le reporta dans la chambre du palais où il l'avait pris. Le sultan, après la réception que la princesse Badroulboudour lui avait faite le jour précédent, inquiet de savoir comment elle aurait passé la seconde nuit, et si elle lui ferait une réception pareille à celle qu'elle lui avait déjà faite, se rendit à sa chambre d'aussi bon matin pour en être éclairci. Le fils du grand vizir, plus honteux et plus mortifié du mauvais succès de cette dernière nuit que de la première, à peine eut-il entendu venir le sultan qu'il se leva avec précipitation et se jeta dans la garde-robe. Le sultan s'avança jusqu'au lit de la princesse en lui donnant le bonjour ; et, après lui avoir fait les mêmes caresses que le jour de devant : «Eh bien, ma fille, lui dit-il, êtes-vous ce matin d'aussi mauvaise humeur que vous étiez hier ? Me direz-vous comment vous avez passé la nuit ?» La princesse garda le même silence, et le sultan s'aperçut qu'elle avait l'esprit beaucoup moins tranquille et qu'elle était plus abattue que la première fois. Il ne douta pas que quelque chose d'extraordinaire ne lui fût arrivé. Alors, irrité du mystère qu'elle lui en faisait : «Ma fille, lui dit-il tout en colère et le sabre à la main, ou vous me dites ce que vous me cachez, ou je vais vous couper la tête tout à l'heure.» La princesse, plus effrayée du ton et de la menace du sultan offensé que de la vue du sabre nu, rompit enfin le silence. «Mon cher père et mon sultan, s'écria-t-elle les larmes aux yeux, je demande pardon à Votre Majesté si je l'ai offensée. J'espère de sa bonté et de sa clémence qu'elle fera succéder la compassion à la colère quand je lui aurai fait le récit fidèle du triste et pitoyable état où je me suis trouvée toute cette nuit et toute la nuit passée.» (à suivre...)