Résumé de la 36e partie Le génie venait à peine de remettre le lit nuptial à sa place, quand le sultan, curieux d'apprendre comment la princesse, sa fille, avait passé la première nuit de ses noces, entra dans la chambre. Le génie alla relever le fils du grand vizir de sentinelle, et Aladdin reprenait son sabre quand il reparut. Il mit le nouvel époux près de la princesse, et en un instant il reporta le lit nuptial dans la même chambre du palais du sultan d'où il l'avait apporté. Il faut remarquer qu'en tout ceci, le génie ne fut aperçu ni de la princesse ni du fils du grand vizir. Sa forme hideuse eut été capable de les faire mourir de frayeur. Ils n'entendirent même rien des discours entre Aladdin et lui, et ils ne s'aperçurent que de l'ébranIement du lit et de leur transport d'un lieu à un autre : c'était bien assez pour leur donner la frayeur qu'il est aisé d'imaginer. Le génie ne venait que de poser le lit nuptial en sa place, quand le sultan, curieux d'apprendre comment la princesse sa fille avait passé la première nuit de ses noces, entra dans la chambre pour lui souhaiter le bonjour. Le fils du grand vizir, morfondu du froid qu'il avait souffert toute la nuit et qui n'avait pas encore eu le temps de se réchauffer, n'eut pas sitôt entendu qu'on ouvrait la porte qu'il se leva et passa dans une garde-robe où il s'était déshabillé le soir. Le sultan approcha du lit de la princesse, la baisa entre les deux yeux, selon la coutume, en lui souhaitant le bonjour, et lui demanda en souriant comment elle se trouvait de la nuit passée ; mais, en relevant la tête et en la regardant avec plus d'attention, il fut extrêmement surpris de la voir dans une grande mélancolie et de ce qu'elle ne lui marquait ni par la rougeur qui eût pu lui monter au visage ni par aucun autre signe, ce qui eût pu satisfaire sa curiosité. Elle lui jeta seulement un regard des plus tristes, d'une manière qui marquait une grande affliction ou un grand mécontentement. Il lui dit encore quelques paroles ; mais, comme il vit qu'il n'en pouvait tirer d'elle, il s'imagina qu'elle le faisait par pudeur et il se retira. Il ne laissa pas néanmoins de soupçonner qu'il y avait quelque chose d'extraordinaire dans son silence ; ce qui l'obligea d'aller sur-le-champ à l'appartement de la sultane, à qui il fit le récit de l'état où il avait trouvé la princesse et de la réception qu'elle lui avait faite. «Sire, lui dit la sultane, cela ne doit pas surprendre Votre Majesté : il n'y a pas de nouvelle mariée qui n'ait la même retenue le lendemain de ses noces. Ce ne sera pas la même chose dans deux ou trois jours : alors, elle recevra le sultan son père comme elle le doit. Je vais la voir, ajouta-t-elle, et je suis bien trompée si elle me fait le même accueil.» Quand la sultane fut habillée, elle se rendit à l'appartement de la princesse, qui n'était pas encore levée : elle s'approcha de son lit et elle lui donna le bonjour en l'embrassant ; mais sa surprise fut des plus grandes, non seulement de ce qu'elle ne lui répondit rien, mais même de ce qu'en la regardant, elle s'aperçut qu'elle était dans un grand abattement, qui lui fit juger qu'il lui était arrivé quelque chose qu'elle ne pénétrait pas. «Ma fille, lui dit la sultane, d'où vient que vous répondez si maI aux caresses que je vous fais ? Est-ce avec votre mère que vous devez faire toutes ces façons ? Et doutez-vous que je ne sois pas instruite de ce qui peut arriver dans une pareille circonstance que celle où vous êtes ? Je veux bien croire que vous n'avez pas cette pensée ; il faut donc qu'il vous soit arrivé quelque autre chose ; avouez-le-moi franchement, et ne me laissez pas plus longtemps dans une inquiétude qui m'accable.» (à suivre...)