Parler de L?Amérique post-11 septembre n?est pas chose aisée. Non pas parce qu?il n?y a rien à dire, bien au contraire, mais tout simplement parce que la société américaine a subi un choc d?une autre nature, mais tout aussi virulent que celui du double attentat de New York et de Washington sous l?ère du président Bush. Pays des paradoxes et des libertés, le pays de l?Oncle Sam a toujours fait de la pudeur et des valeurs morales, son credo. Gargarisé jusqu'à l?étouffement, la société outre-Atlantique s?est crue à l?abri de ce qu?elle appelle «le délabrement européen» sous-entendre le relâchement des m?urs. Mais à dénoncer ceux qui boivent, l?on finit par trinquer. En effet, pour destituer le président Clinton, le puritanisme n?a pas hésité à susciter le plus grand show pornographique de l?histoire des états-unis. L'épisode Monica Lewinsky a remis le puritanisme américain en question et a surtout mis à nu, sans jeu de mot, l?hypocrisie sournoise mais collective, d?une société en mal de repères et sans ancrages spirituels. Un volet que l?actuel président des États-Unis a su véhiculer et en même temps inculquer à la nation entière, à la faveur des événements tragiques. Tout se passe comme si L?Amérique, soudain éc?urée par tant d?impudeur, avait brusquement décidé de ne plus jouer au jeu pervers de la vérité puritaine. Il est vraisemblable que les États-unis ne souhaitent jamais rouvrir cette page tournée dans la douleur. Car la pudeur est le royaume du non-dit. Or, dans l?Amérique surmediatisée d?aujourd?hui, le non-dit présidentiel n?existe plus. Se taire est suspect. Il faut ou tout dire ou mentir. Les Américains ont condamné cette philosophie totalitaire. La plupart des hommes politiques, George Bush Jr en tête, refusent désormais de répondre aux questions trop personnelles. Cette nouvelle approche dans le traitement avec les médias suscite moult interrogations. Le retour vers le religieux se fait, selon certains experts en sciences sociales, à grandes enjambées. les rapports citoyens-administration sont en pleine mutation par la grâce des récentes mesures et autres lois antiterroristes. Transformation radicale En effet, depuis les attentats terroristes sur New York et Washington, les États-unis ont connu une transformation radicale de leur structure gouvernementale, des rapports de la population avec la police et les forces armées ainsi que du cadre constitutionnel et judiciaire. La Maison-blanche s?est octroyé de nouveaux pouvoirs importants de répression intérieure, établissant en vertu, d?un ordre exécutif, un bureau de la sécurité intérieure qui n?est pas supervisé par le Congrès. De plus, la nomination des membres de ce bureau n?est pas soumise à un vote d?approbation du congrès. Une agence unifiée de police politique est en train d?être créée avec la loi «antiterroriste» qui regroupe en fait le FBI et la CIA et abolit la vieille séparation entre l?espionnage à l?étranger et le contre-espionnage domestique. En parallèle avec les bombardements en Afghanistan, l?administration Bush a déclaré qu?il y avait un deuxième front de guerre, la guerre à l?intérieur. Le gouvernement fédéral lance des «alertes à la terreur» vagues et sans justifications, qui créent une anxiété chez les populations sans pour autant leur offrir la moindre protection. Les porte-parole du gouvernement demandent à la population d?accepter des mesures telles que les fouilles policières à l?improviste. Les barrages policiers au hasard sont, maintenant, partie prenante du quotidien. Les troupes de la garde nationale patrouillent dans les aéroports, les ports, les tunnels, sur les ponts et même dans le Capitole à Washington. Les garde-fous fondamentaux offerts par la Constitution, tel l?habeas corpus, le droit d?un accusé à connaître les accusations qui sont portées contre lui et même la présomption d?innocence, ont été foulés aux pieds pour les millions d?immigrants du Moyen-Orient et de l?Asie centrale. Le droit à la vie privée n?est plus qu?un souvenir pour l?ensemble de la population, les agences gouvernementales ayant le feu vert pour installer des micros sur les lignes, contrôler les transactions financières et entreprendre toute autre forme d?espionnage, à toutes fins utiles sans la moindre entrave. C?est une amère ironie qu?un tel assaut contre les droits démocratiques soit mené au nom de la guerre pour défendre la «liberté» et la «démocratie» contre le terrorisme. Mais ni l?administration Bush, ni son collaborateur qu?est le parti démocrate, ni une presse soumise et complice ne se donnent la peine d?expliquer pourquoi le gouvernement américain n?a jamais, de tout le XXe siècle, concentré de tels pouvoirs entre ses mains. Ni lors de la Première Guerre mondiale ni lors de la Seconde, pas plus qu?au cours de la guerre froide, lorsque les adversaires étaient de puissants états lourdement armés, n?a-t-on vu une restructuration de l?appareil gouvernemental et judiciaire comparable à celui que l?on voit aujourd?hui. Pourquoi en est-il ainsi, alors que l?ennemi est censé être un petit groupe de terroristes basé dans des cavernes d?un des pays les plus pauvres du monde ?