Anxiété Foudhil M. est un jeune marchand ambulant qui reconnaît à la barre avoir été pris en flagrant délit de «sniff». Pour s?en tirer, il constitue deux avocats? Nous n?allons pas ennuyer nos lecteurs en revenant sur les ravages de l?usage de la «came», un fléau qui prend de l?ampleur. Même la paisible localité de Réghaïa, encore sous le coup du traumatisme du 21 mai 2003, connaît ses sniffeurs, ses revendeurs, ses détenteurs, ses dealers, ses barons. C?est triste, mais c?est ainsi. Foudhil M. comparaît pour la première fois devant la justice. Et à Rouiba, c?est une présidente qui s?occupe des dossiers des détenus «flagrant délit et instruction confondus». Mme Yamina Guerfi est une redoutable juge qui sait à quoi s?en tenir lorsqu?elle a en face d?elle un inculpé tenté par le mensonge, le dribble, la dérobade, ou qui ne dit pas toute la vérité car ne désirant pas, mais alors pas du tout, retourner en taule, tant la coexistence dans ces lieux maudits où la réinsertion est quasi impossible, est exécrable. Foudhil M. ne fait heureusement pas partie de cette catégorie. C?est un «f?hall» courageux qui avoue sans cligner des yeux. «Madame la présidente, vous me demandez de vous raconter la vérité. J?avais ce jour-là des problèmes, je voulais simplement m?évader pour en oublier quelques-uns?» «Vous êtes marié ? Vous avez des enfants ? Vous êtes responsable de votre famille ? De votre mère ? De votre père ? Alors, dites-nous, quel genre de problèmes», siffle la présidente qui n?achève pas la dernière question car le prévenu répond : «Des problèmes, beaucoup. Normal, comme tous les jeunes qui ne voient rien pointer à l?horizon.» Il a certes parlé sans l?autorisation de la présidente, laquelle, clémente, ferme les yeux car le «raté» a été poli et surtout sincère. Mihoubi, le représentant du ministère public, est, ce jour-là, tout aussi clément. Il n?a pas pris la fourche, le glaive et le bâton pour tomber sur ce pauvre bougre qui est là, debout, en train de faire gagner du temps au tribunal. C?est dans cette optique que si Ahmed requiert mécaniquement une peine de prison ferme de six mois. Pour la défense, c?est l?excellente jeune Me Assia Silini qui plaidera en second. Elle a préféré laisser le gros morceau à son jeune confrère Me Kamel Issolah, lequel prendra à témoin la présidente pour la franchise de son client. «Il vous a tout dit sans contrainte. Il n?avait pas le choix», explique le défenseur, qui insiste sur la clémence du tribunal en mettant en avant le fait qu?en ayant commis une bêtise, il avait suffisamment expié sa faute durant sa détention préventive. Me Silini, sans élever le ton, a prié la juge de comprendre que son client avait voulu s?évader ; il s?est retrouvé en prison. «Il voulait ôter sa douleur, il l?a multipliée par dix», mâchonne l?avocate qui n?a pas voulu trop s?étaler sur les faits, préférant le faire pour les larges circonstances atténuantes. Mme Guerfi met son grain de sel : «Ce n?est pas de cette manière que l?on met fin à ses petits problèmes, surtout pour un marchand ambulant qui doit avoir l?esprit clair.» Elle invite Foudhil à dire le traditionnel dernier mot. L?inculpé va en réciter quarante. Il se confond en excuses et les mots pardon, regrets, humiliation, famille, excuses s?entrechoquent. A l?issue de l?audience, Foudhil s?en tire à bon compte. Il est certes condamné à six mois de prison, mais avec le bénéfice du sursis, c?est surtout que pour lui, c?est un premier délit. Et certains juges savent fermer un ?il, jamais les deux.