Pour un tacot Zoubir B. (33 ans) et Hakim L. (32 ans) ont été pris à un barrage de police à Aïn Tagouraït (Tipasa) avec une auto volée? Dans la nuit du 6 au 7 août 2003, les deux jeunes, que leurs avocats présentent comme étant issus de familles aisées et même plus, étaient ivres morts. Le lendemain matin, la cuite passée, ils rappellent aux flics qu?ils étaient trois la veille : «Hamid le clando qui nous a ramenés de Blida pour 2 500 dinars, s?est enfui à la vue des policiers.» «C?est noté sur le P-V de police», ajoute Zoubir, véritablement assommé par le mois et quelque jours de détention. Kamel Mesbah, le président du tribunal de Tipasa (cour de Blida), réputé être un magistrat à la main lourde lorsqu?il s?agit de l?application de la loi, s?est appuyé sur le fameux P-V d?audition. Il a relevé beaucoup de contradictions même si Zoubir et Hakim ont donné la même version. Même le taxidriver qui les aurait amenés d?Oran jusqu?à Blida a donné la même version des faits, poussant la précision jusqu?à parler d?un accident du côté de Miliana et du macabre spectacle d?un cadavre gisant sur le côté de la route à Oued Fodda. «Il était égorgé, nous l?avions signalé au barrage le plus proche. On nous a rétorqué que l?ambulance de la Protection civile était en route», ont-ils affirmé sans faute de prononciation. Moussa, le très jeune procureur adjoint, avait même demandé l?éloignement du témoignage du taxidriver, Aïssa B. Me Morsli, le second avocat des deux détenus, avait énergiquement protesté durant sa plaidoirie. En tout cas, avant de passer au réquisitoire et aux défenseurs, Mesbah a tenu à relire certains passages de leurs déclarations devant le juge d?instruction que Me Morsli et Me Raâche n?ont pas ménagé, lui reprochant, par ailleurs, de ne pas avoir plus poussé les investigations autour du mystérieux Hamid le clandestin, connu pour être un rôdeur de l?hôtel Palace de la Ville des Roses. Le procureur s?est bien amusé durant son intervention, allant jusqu?à répliquer aux deux vieux «loups» du barreau sur le raté du JI. «Ils ont été arrêtés dans une auto volée quinze jours auparavant à Médéa ! Même si les deux détenus soutiennent avoir passé quinze jours à Oran, ils n?ont pas pu le prouver et ce n?est pas la complaisance de ce Aïssa, le chauffeur de taxi, qui va nous tourner la tête. Deux ans de prison ferme et 5 000 dinars d?amende suffiront à payer le délit.» Me Ahmed Raâche, le premier défenseur, a mis beaucoup de conviction pour émouvoir le tribunal et surtout prouver l?innocence des deux jeunes. Après avoir repris les faits dans leur totalité, il a demandé la relaxe et puis le bénéfice du doute et un... sursis !!! Son confrère Me Rachid Morsli a tout mis en ?uvre pour anéantir le contenu du P-V du JI et le réquisitoire du procureur. Il a mis tout son savoir-faire pour démontrer l?irréalisme de la chose : «Où est passé la troisième personne signalée sur le P-V de la police de Aïn Tagouraït comme ayant fui dans l?obscurité de l?aube ?» s?est exclamé l?avocat qui a rejoint son confrère sur l?âge de la voiture volée : 35 ans (1968) ! «Les vols de voitures touchent les cylindrées qui rapportent gros», a encore enchaîné le conseil qui s?est dit triste de voir deux jeunes croupir en taule pour un délit qu?ils n?ont pas commis. Il demande la relaxe pure et simple. «Il n?y a aucun doute», conclut Me Morsli, révolté par le verdict lu en fin d?audience. Les deux voleurs écopent de six mois de prison ferme appuyés d?une amende de cinq mille dinars chacun. «Nous verrons bien en appel», dit, les traits tirés, l?avocat qui quitte Tipasa la conscience tranquille, mais tout de même déçu par la tournure prise par le verdict. Rendez-vous à Blida, maître. Nous y serons pour que le lecteur se fasse une idée sur l?appel à la cour.