Ame Le chant corse était à l?honneur, hier, dimanche, à la salle Ibn Khaldoun, avec l?ensemble polyphonique, le ch?ur de Sartène, dirigé par Jean-Paul Poletti. Pour commencer, un chant d?adieu du XVIe siècle a été, solennellement et avec beaucoup d?émotion, interprété par le ch?ur et dédié à Othmane Bali, récemment disparu. Sept interprètes, donc sept voix, toutes au timbre différent, emplissaient l?espace. Ils faisaient entendre leur voix : des voix sereines s?élevaient vers le ciel, suivant chacune un mouvement, une trajectoire pour s?unifier, en fin de parcours, donnant lieu à un chant à forte charge musicale (sans qu?il y ait besoin d?être orchestré par des instruments). Ainsi, le chant était multiple, à plusieurs voix, chants profanes et sacrés, à la mélodie ancienne ou moderne, toute pleine et translucide. Le chant qu?interprétait le ch?ur de Sartène était quiet, pur, harmonisé par des voix à tempérament religieux, créant une ambiance semblable à celle profondément ressenti dans des cathédrales gothiques ou romanes. Tout est chanté avec passion, une sorte de ferveur religieuse, donc avec piété et dans un cérémonial ecclésiastique. Tout est chanté avec majesté, bonheur : une béatitude intérieure. Le c?ur, l?âme et l?esprit de la Corse étaient chantés ; et le chant, de purs moments de plénitude, notamment d?évasion, venait du c?ur même de la Corse, c?ur authentique, noble, généreux. Chaque chant était interprété avec nuances et assurance. C?était une véritable prouesse vocalique, un effort physique remarquable qui demande beaucoup de concentration et d?inspiration. Le chant corse est un chant céleste, et le ch?ur de Sartène l?a bien montré ; c?est un chant qui, solennel, parvient, comme par magie, à captiver l?ouïe, à produire un effet émotionnel certain, durable en chacun de nous, suscitant ainsi en nous nombre d?impressions, une spontanéité sentimentale inouïe, témoignant de notre sensibilité. Celle-ci s?accorde parfaitement avec le jeu vocalique du ch?ur qui était notable, plein et passionnant. Un jeu regorgeant de couleurs et de saveurs, reflétant ainsi une identité ancestrale, lié au terroir, c?est-à-dire à la terre natale, cette terre jalonnée de montagnes, d?où s?élève vers les cimes célestes l?âme corse, authentique. Et des sommets des montagnes rebelles, le chant émouvant se fait agréablement entendre tel un écho, il se propage à travers monts et vallées et même s?en va au-delà, jusqu?à l?autre côté de la Méditerranée. Il nous parvient dans toute sa beauté.