Lecture Les contes sont lus avec la même passion et la même gravité que dans les chants berbères de Kabylie. L?atelier de conte du Cidef a présenté, jeudi à la salle Frantz-Fanon (Ryadh El-Feth) un après-midi consacré à la lecture de contes tirés d?un recueil de Taos Amrouche Le Grain magique. Taos Amrouche, comme son frère Jean, est un chantre de l?Algérie profonde, mais aussi de la liberté. «Par leur poésie, Jean et Taos ont créé une voix, ils lancent un appel qui retentit longuement dans la nuit et entraîne peu à peu l?esprit vers une source cachée, en ce point du désert, où l?âme, ayant perdu, réapprend les signes de l?indicible et se retrouve.» Malika Tablit, poétesse et hôtesse de la veillée, a lu un poème de Jean Amrouche, un texte parlant de la terre des ancêtres, une terre dite dans «la langue de nos pères» et chantée par «la mélodie de nos songes» et gardée en mémoire, la nôtre, qui est collective et séculaire. C?est un poème qui parle en fait de liberté et cette détermination à revendiquer cette liberté à laquelle tout homme est attaché et qui nous est chère et précieuse à nous tous. Ensuite, Hanifa, une conteuse, ouvre la veillée par une bouqala, histoire de mettre le public dans l?ambiance et de reconstituer par la magie de la bouqala ces devinettes dites en poèmes par des femmes à l?intention des femmes, les effets d?antan et ce avant que Réda Doumaz, chanteur chaâbi, n?entame un prélude musical sur le thème de la soirée. Il a même chanté sur un poème de Macellin Desbords Valmore. L?Oiseau de l?orage, Plus belle que la lune, Les Fourberies de Belâjout, Le Coffre? autant de contes qui, à la fois drôles, tristes et pleins de suspense, ont été dits par les «femmes conteuses». Et entre chaque histoire contée, Réda Doumaz est intervenu pour dire, lui aussi, un conte, mais à sa façon, c?est-à-dire en musique. Son intervention est une improvisation. Car une fois que le conte l?a inspiré, il compose, au gré de l?émotion qu?il dégage, un texte musical. De ces contes dits avec une grande sensibilité et énormément d?émotion, se fait entendre une voix, voix de femme qui raconte une vie, une société, des traditions. Elle fait restituer une mémoire toutefois frémissante, mais infiniment grande celle de nos aïeux, et à travers laquelle de vieux mythes proches de la réalité et chargés d?impressions et de réminiscences resurgissent des abysses du temps et des recoins du passé, de l?oubli. Dirigé par M. Bagdadi, l?atelier des femmes conteuses du Cidef (1, rue Le Tellier) est un atelier pas comme les autres : c?est un atelier regroupant des femmes ayant la passion à la fois de l?écriture et de la lecture. Ces femmes se rencontrent pour lire, mais aussi écrire un conte, une histoire, une vie. Effectivement, dans cet atelier (ouvert à tout le monde), «on raconte sa vie, celle des autres. On y invente la vie, la sienne, celle des autres, en se regardant passer par la fenêtre des jours à transformer. On y invente l?envie de faire bouger sa vie», écrit M. Bagdadi.