Un hommage sera rendu, aujourd'hui, au Centre culturel algérien de Paris, à l'ambassadrice de la culture berbère, Taos Amrouche. Elle fut longtemps ignorée et même parfois occultée par les institutions littéraires et culturelles de son pays. Taos Amrouche, l'auteure à la plume acerbe et au verbe cinglant, la féministe avant l'heure, l'interprète hors pair des chants berbères de Kabylie a beaucoup souffert, de son vivant, de l'indifférence et du mépris des siens. Aujourd'hui, un hommage lui a été consacré au Centre culturel algérien à Paris (CCA). Une première, certes! puisque aucune institution officielle algérienne n'a honoré sa mémoire, ni celle de sa famille. Même pendant la seconde édition du Festival panafricain, les organisateurs n'ont pas jugé utile de rendre hommage à celle qui fut l'ambassadrice de toute culture. Cela a été, pour ainsi dire, une occasion ratée pour réparer le tort fait à cette chanteuse lyrique lors de la première édition. En effet, en juillet 1969 et bien qu'elle ait été invitée par Taleb Ibrahimi (ministre de l'Information et de la Culture à l'époque), Taos Amrouche fût interdite de chanter. «Nos bijoux sont exposés, nos poèmes, contes et chansons sont répertoriés partout ailleurs à l'étranger. A quoi serviront alors vos lois et vos discours?», rétorquera-t-elle dans En marge du festival panafricain d'Alger, un article publié dans le journal français Le Monde. Bien des années sont passées et Taos Amrouche fait toujours partie de ces écrivains secrets, ces écrivains maudits. Mais même en étant victime de l'intolérance et de l'ostracisme d'un régime autoritaire, cette chanteuse lyrique demeure, pour d'innombrables lecteurs, une référence incontournable pour ce qui est de la littérature algérienne. Elle occupe, à présent, une place de choix au panthéon des lettres. Au programme de cette manifestation inédite et incontestablement louable, plusieurs activités commenceront à partir de 15h. C'est avec la projection d'un film documentaire retraçant la vie de cette auteure que sera inauguré cet hommage en ce samedi après-midi, film réalisé par Sadia Barèche, sous le titre Sur les traces de Taos Amrouche. Taos en province, une exposition des oeuvres de l'artiste-peintre Denise Barbaroux aura lieu à 16h30, juste après la projection. En dernier, une conférence-débat intitulée «Autour de Taos Amrouche» et qui sera animée par plusieurs intervenants: Denise Brahimi, essayiste, critique et auteure de Taos Amrouche romancière (paru aux éditions Joëlle Losfeld, 1995). Djohar Ghersi, universitaire et psychanalyste, abordera une autre facette de la poétesse, son rapport à la terre, au territoire, au pays natal: La quête du lieu chez Taos Amrouche. Quant à Youcef Nacib, auteur et universitaire, connu pour ses travaux de recherche sur la tradition orale, donnera une communication ayant pour thème «Les chants de Taos Amrouche et l'évolution de la question amazighe depuis sa disparition». Hervé Sanson, chercheur sur les littératures maghrébines francophones et berbères, s'interrogera sur «Taos Amrouche, le texte hanté nous fait des scènes ou les passions».