Débat Le président de la République avait lancé l'idée de la réconciliation nationale, mais sans fournir de précisions sur le sujet. La société civile s'implique, timidement, dans le débat. Dans ce cadre, le FFS a organisé, hier, une conférence au CIP, animée par le professeur Madjid Benchikh. Dès le début, le juriste fera savoir la complexité de ce «projet inconnu». «Il y a des bribes de discours et des rumeurs»; impossible de mener une analyse sérieuse, dira-t-il. Il abordera la question, sur le plan juridique, en invitant «le gouvernement à débattre avec la société civile». «L'immense majorité des Algériens est pour la réconciliation», mais il faut «définir les contours de ce projet», dira-t-il. M. Benchikh posera des questions de fond : l'amnistie touchera quelle période du conflit ? Elle portera sur quels crimes ? L'amnistie fiscale, massacres collectifs et les viols seront-ils pris en compte par ce projet ? «Selon la Constitution nationale, il est possible d'amnistier tous les crimes», explique-t-il. Mais le problème se pose autrement au niveau international. M. Benchikh évoquera l'article 7 d'Amnesty qui stipule que lorsque la torture et les disparitions forcées sont érigées en politique, il y a crime contre l'humanité. Donc, les ONG ont droit de demander des comptes. Surtout que l'Algérie a signé toutes les conventions internationales. D'où l'importance d'associer les familles des victimes au projet. Dans ce cas de figure, les ONG sont impuissantes. «La meilleure des politiques, c'est d'aller à l'écoute des populations, en premier les familles des victimes.» «Elles sont pour le pardon, mais elles demandent leur droit», souligne le juriste qui précise : «Elles veulent la réhabilitation de leurs enfants, mais surtout l'aboutissement des libertés collectives et individuelles.» La réconciliation est «une politique qui donne des éléments pour l'amnistie» fera savoir le conférencier qui se demande : «Réconciliation entre qui et qui ?» Pour lui, le problème ne touche pas seulement les victimes et le gouvernement, car, le conflit a touché toute la société. Donc, il faut «envisager une politique globale pour traiter la question». Cependant, M. Benchikh reste sceptique : est-il possible d'aller vers la réconciliation dans le cadre de l'état d'urgence ? Il faut ouvrir des perspectives politiques, installer une commission de vérité qui aura les moyens de mener des investigations, seul moyen d'atteindre la vérité, estime l'orateur. M. Benchikh fustige, à l'occasion, la commission que dirige Farouk Ksentini. «Elle passe son temps à justifier les agissements du pouvoir», dira-t-il.