Offrir de l?eau à une personne qui a soif est une tradition ancrée dans nos valeurs les plus sacrées. Il fut un temps, surtout pendant la saison sèche, où des outres en peau de bouc (guerba) étaient suspendues un peu partout pour permettre aux passants ou aux voyageurs de se désaltérer. Certains notables parmi les plus riches poussaient la charité jusqu?à construire des fontaines publiques sur lesquelles ils faisaient souvent graver des recommandations pieuses dans le genre : «ô toi voyageur qui passe et qui est tourmenté par la soif, arrêtes-toi ici et quand tu te seras désaltéré, implores pour celui qui a réalisé cette fontaine la miséricorde du Clément et miséricordieux». Il y avait aussi les porteurs d?eau. Guerba en bandoulière et gobelets de cuivre à la ceinture, ils traversaient les souks en lançant leur incessante rengaine : «Techreb ya aâtchane ?» (boiras-tu ô assoiffé ?) C?étaient là des temps héroïques. Rares étaient ceux qui pouvaient imaginer que le fait que plusieurs personnes qui boivent à la même timbale peuvent se transmettre des maladies, voire la mort. Depuis, les bonnes intentions ont dû aseptiser leurs moyens. Comme d?offrir des gobelets jetables ! Ce n?est malheureusement pas toujours le cas. Un peu partout dans le pays, jusqu?aux grandes villes, jusqu?à la capitale même, des personnes bien intentionnées mais ignorantes des risques de contagion, continuent de mettre sur la voie publique des récipients d?eau fraîche et un seul broc que tout le monde utilise. Cela se fait même dans les cafés. Il suffirait d?un seul cas de pneumonie atypique, de choléra ou de tout autre maladie contagieuse pour causer une hécatombe. Beaucoup de ceux que vous pourriez avertir, bienfaiteurs ou assoiffés, vous répondront qu?il suffit de prononcer le nom de Dieu Tout-Puissant pour écarter tout risque.