Témoignage Les groupes islamistes en Irak spécialisés dans les rapts enlèvent tout Irakien soupçonné de travailler avec les Américains. Ils l'interrogent puis le jugent. Un ancien otage raconte. Ghaleb Saadoun al-Douri, un entrepreneur de 37 ans, a passé deux mois dans une cave, il risquait la mort comme de nombreux otages dont l?exécution a été filmée et diffusée sur Internet. Pour le groupe qui l'a enlevé le 22 mars, son dossier était lourd : il est un «collaborateur» qui exécute des projets financés par les «occupants» américains. «Je rentrais de Mossoul à Tikrit (au nord de Bagdad) lorsque j'ai vu deux personnes qui demandaient de l'aide à côté d'une voiture garée au bord de la route. Je me suis arrêté et j'ai regardé pour la dernière fois l'heure à ma montre : 16h 00», raconte-t-il. «Un grand gaillard est descendu du véhicule et a crié aux deux autres : ?Jetez ce sale collaborateur dans le coffre.?» Après une longue marche, M. Douri est introduit dans une petite maison «où il y avait une télévision et un canapé». «Le chef de la bande décrète alors que des témoins devaient être rassemblés pour mon procès.» L?otage ne mangera que le lendemain matin : «Un ?uf dur, un verre de lait et un morceau de pain.» Une semaine après, le grand gaillard fait irruption dans sa cave et commence à l'interroger pendant six heures. L'otage ne peut que reconnaître qu'il travaille avec les Américains, mais il tente d'expliquer qu'il n'est en rien un «espion». Son interlocuteur ne semble pas convaincu. Une autre semaine s'écoule. M. Douri est présenté devant le tribunal : trois hommes assis sur une petite estrade, derrière un Coran. Le «juge» se présente comme membre du «tribunal religieux relevant de l'Armée des compagnons du prophète». Il lit l'acte d'accusation, puis quatre «témoins» sont introduits, dont l'un est un autre employé comme interprète dans l'une des bases militaires américaines où M. Douri avait travaillé. L?entrepreneur confirme qu'il se rendait sur la base, avait été payé par les Américains. Mais il dément catégoriquement les dires de l'interprète qui l'accuse de construire des abris pour les soldats, une action passible de mort pour le tribunal. Le procès dure deux semaines puis M. Douri est laissé dans la cave plusieurs jours. Il réapparaît devant le tribunal où le juge prononce la peine de mort par pendaison à l'encontre de l'interprète. Pour Douri, le verdict tombe : innocent. «J'ai crié : Allah Akbar et tout le monde a ri.» A l?aube, M. Douri retrouve la liberté et les siens. Il a accepté de parler avant son départ avec sa famille, pour un pays voisin où il espère retrouver une vie normale.