Résumé de la 1re partie n Une foule est venue acclamer les libérateurs de la France. Des camions avancent difficilement à travers les rues. Joe est surpris et marqué par la main tendue d?une jolie femme. Rendez-vous est pris. Le village est vide de nouveau et Jeanne rentre chez elle, un peu bizarre, le c?ur un peu battant, la tête un peu ivre. Combien de scènes de ce genre, en 1944, ont réuni pour quelques secondes une jeune fille française et un jeune Américain auréolé du prestige de la victoire ? Rencontres sans lendemain. Mais le soir à neuf heures devant l?église ? dont il ne reste pas grand-chose d?ailleurs ? Jeanne la Française et Joe l?Américain se retrouvent dans l?ombre complice des éboulis et des vieilles pierres. Et M. le curé n?est pas là pour bénir leur union. Le lendemain, la colonne de Joe s?éloigne du village et de ses environs. Le surlendemain, on voit revenir Joe au volant d?un camion de matériel. Puis il repart, triomphant, du village. Il a trouvé la combine qui lui permet de faire la navette entre son camp et sa belle : le coup de foudre s?est installé. Evidemment, le camion de matériel de Joe met un peu plus de temps que les autres à parvenir à bon port. L?efficacité des troupes américaines en Europe s?en trouve peut-être quelque peu altérée, mais quoi, une heure de plus ou de moins sur la victoire totale, en voilà une affaire ! Et si Joe préfère l?amour à la guerre, on ne peut pas vraiment lui en vouloir. Un soir pourtant, c?est la débâcle. L?horreur, le déshonneur total. Joe parcourt le village en tous sens, affolé. Son camion a disparu, chargé de matériel qui représente une petite fortune. Un petit malin ayant surveillé les allées et venues de Joe et surtout le traditionnel temps d?arrêt devant l?église a profité de l?occasion. Pour Joe, c?est grave. Se faire voler son camion en temps de guerre, et dans les circonstances que l?on sait, c?est le conseil de guerre. Il ne reverra plus Jeanne et va payer cher son coup de foudre français. Tout le village, en émoi, le prend en pitié, mais la pitié ne saurait le tirer d?affaire. De plus, c?est le moment choisi par Jeanne pour annoncer, la tête basse, qu?elle attend un petit Américain de plus en Normandie. Une recrue que les états-majors n?avaient pas prévue dans la logistique du débarquement. Alors Joe s?effondre. Plus de camion égale conseil de guerre. Un enfant égale des responsabilités. Responsabilités qu?il n?est pas question d?assumer au fond d?une cellule. C?est ce soir-là que Joe choisit de disparaître. Joe n?existe plus. Plus de Joe. Plus d?Américain, plus de rendez-vous illicites derrière les ruines de l?église. Envolé le Roméo. Juliette reste seule. Et les semaines passent, puis les mois. Juliette a mis au monde un petit Américain moyen et gagne sa vie. Curieusement, le village la soutient. Tout le monde la comprend. Chacun fait ce qu?il peut en ces périodes de restrictions pour que l?enfant ne souffre pas du maigre salaire de sa mère. Et lorsque les MP s?en viennent demander des nouvelles du déserteur, ils ne rencontrent qu?étonnement et surprise : «Un Américain ici ? Il en est passé tellement ! Comment dites-vous ? Joe ? Inconnu ! Pas chez nous, en tout cas, jamais vu cette tête-là !» 1946 : Jeanne courageusement élève son petit. 1948 : Jeanne met au monde un autre enfant, une fille. «Ah, ah ! marmonnent les gendarmes, soupçonneux, vous n?auriez pas revu l?Américain des fois ?» Mais Jeanne s?indigne. On n?a pas le droit, selon elle, de se rire d?une fille mère qui a bien du mal à joindre les deux bouts, et le père de ses enfants ne regarde qu?elle ! 1950 : Jeanne met au monde un autre garçon et le village ne critique pas. Les cinquante-six habitants qui, tous, se connaissent jusqu?au moindre cousin, «ignorent» totalement qui est le père de ce troisième galopin. (à suivre...)