Bêtise La source à l?origine du massacre finit peu à peu par tarir. Les familles Abdelwahab et Djouab ont toujours vécu en harmonie, jusqu?à ce vendredi funeste où une bagarre mémorable a éclaté et à laquelle tout le monde a participé. Hommes, femmes et enfants n?ont pas hésité à recourir aux armes blanches, aux fourches et aux gourdins. Soudain, la poudre parle, le chef du clan des Abdelwahab est abattu et un autre perd un ?il. C?est la consternation. Les Abdelwahab se dispersent, rentrent chez eux pour prendre leur fusil, les Djouab font de même. En quelques minutes, c?est à une véritable bataille rangée qu?on assiste. Les antagonistes se tirent dessus en se protégeant derrière tout ce qu?ils peuvent trouver : arbres, rochers, meules de foin, etc. En entendant les coups de feu, les proches voisins accourent, mais personne ne peut s?interposer entre eux, sans risquer de perdre la vie. Ce n?est qu?à l?arrivée des gendarmes que les belligérants sont invités à déposer leurs armes et à donner des explications. Il s?avère alors que l?origine de cette tuerie n?est autre qu?une source. Une banale source, qui existe dans cette contrée depuis des temps immémoriaux. La source litigieuse se situe sur les terres des Abdelwahab. Elle est aménagée. Un grand bassin sert d?abreuvoir à toutes les bêtes et un autre de lavoir. Le débit de la source est très fort, ce qui permet aux Abdelwahab et aux Djouab, dont les terres sont situées en aval, de les irriguer en se partageant l?eau. Les Abdelwahab se servaient toujours les premiers, mais il y avait tellement d?eau que jamais il n?y eut de problèmes. Leurs champs irrigués en permanence, les deux familles produisaient les meilleurs agrumes et les meilleurs légumes de la région. Ils prospéraient à vue d??il. Mais, un jour, à la suite d?un séisme qui ébranla la région, la source se montre moins généreuse. Le débit baisse. Vu que la source se trouve sur les terres des Abdelwahab et que, par conséquent, elle leur appartient de droit, ce n?est qu?après avoir abreuvé leurs bêtes, lavé leur linge et irrigué leurs terres qu?ils lâchent un peu d?eau aux Djouab. L?eau, devenue rare, permet tout juste aux Djouab de faire boire leurs animaux. Il n?est plus question pour eux d?irriguer leurs terres comme jadis. Ils s?en plaignent à leurs voisins, mais ceux-ci restent de marbre. Une animosité de plus en plus grande s?installe entre les deux familles, qui n?ont pourtant eu jusqu?à présent aucun problème relationnel. Vu que tout le monde vivait du produit de la terre, les vergers, les jardins potagers et les primeurs, privés d?eau, commencent à dépérir. Les Djouab demandent un peu plus d?eau et, devant leur insistance, les Abdelwahab les invitent à aller creuser un puits sur leurs terres. C?est la goutte qui fait déborder le vase. Les Djouab ne veulent pas se laisser faire et tiennent un conseil de famille. A l?unanimité, ils décident, tôt le matin, d?investir la source et de laisser l?eau couler vers leurs terres. Quand les Abdelwahab s?aperçoivent du manège, ils ameutent tout le monde et la bagarre généralisée commence, se soldant par un mort et un blessé grave du côté des Abdelwahab. Suite au séisme, la source litigieuse perd peu à peu de son débit et finit par tarir complètement.