Agression Djilali bondit comme un ressort, et avant que Abdelwahid ne puisse dire «ouf», il casse une bouteille de Hamoud, se saisit d?un tesson et le lui enfonce dans la figure. Il hurle de douleur, tente de riposter avec la canne qu?il porte toujours sur lui, en vain. Aveuglé par le sang qui dégouline de ses nombreuses blessures, il frappe dans le vide et n?effleure même pas son antagoniste. Vaincu par d?atroces douleurs, l?infortuné Djilali se tient le visage avec les mains et s?affale sur le sol tout en criant. Pour le faire taire, Abdelwahid, devenu une bête humaine, se saisit de la grosse pierre sur laquelle il était assis et lui assène plusieurs coups sur la tête. Il ne s?arrête qu?une fois le crâne de sa victime fracassé. Son forfait accompli, Abdelwahid quitte les lieux sans être vu de personne. Le corps du pauvre Djilali n?est retrouvé par des bergers que le lendemain. Aussitôt, ils donnent l?alerte. Djilali est vite identifié ; il a ses pièces d?identité sur lui et il est connu pour être gardien de vignoble. C?est un homme âgé de 45 ans, père de six enfants et «émigré» interne ; il est venu d?une autre wilaya pour se faire un peu d?argent en tant que saisonnier, pour lequel le labeur se termine à la fin des vendanges. Et cela fait des années qu?il pratique ce boulot au même endroit, sans avoir jamais eu de pépins, jusqu?à ce fatidique vendredi. Djilali est connu pour être un homme pieux. Le vendredi, contrairement aux autres jours, il se douche, revêt une gandoura immaculée et met un turban de même couleur. Bien qu?étranger à la région, il a su se faire adopter par les habitants des lieux, qui n?hésitent pas à lui donner à manger de temps en temps. Djilali vit en célibataire dans une cabane de fortune construite de ses propres mains. De temps à autre, il grimpe sur un eucalyptus centenaire pour voir au loin si des gamins ne chapardent pas les grappes de raisin. Il est intraitable à ce sujet. Le propriétaire de la vigne lui fait confiance et il doit la mériter. Ce soir-là, vers 22 h, Djilali entend des bruits étranges provenant d?une source. Il pense à des chacals venus se désaltérer. Ces bêtes font des dégâts énormes aux cultures. Armé de sa canne, il se dirige vers la source pour les faire déguerpir. Mais au lieu de chacal, il trouve un jeune homme âgé de 30 ans répondant au nom d?Abdelwahid en train de siroter du «zombretto» (mélange de limonade et d?alcool à brûler). Il s?approche de lui et le sermonne : «Tu n?as pas honte de consommer de l?alcool un vendredi ? C?est «haram» (péché) tu rôtiras en enfer !» Joignant le geste à la parole, il lui arrache la bouteille des mains et la fracasse contre un gros arbre. Abdelwahid, qui venait juste de fabriquer son cocktail, voit rouge. Il prend une autre bouteille de limonade, en casse le fond, la prend par le goulot et, sans la moindre hésitation, le frappe au visage. Se tordant de douleur, il tombe à terre, c?est alors qu?Abdelwahid lui fracasse le crâne à l?aide d?une grosse pierre. Après enquête, Abdelwahid est arrêté et écroué.