Interrogation n Pourquoi Riadh El-Feth n?est plus ce qu?il était naguère, attrayant et attractif, beau et accueillant ? «Houbel», ce n?est pas le dieu sur terre qu'avait inventé Koreich à l'époque pré-islamique pour l'adorer dans une mecque en ébullition, mais un splendide coin surplombant la baie d?Alger, scintillant la nuit et imposant le respect le jour. Houbel, c?est Maqam Chahid, un amas de béton et de fer construit en 1984 par une société canadienne à coups de milliards, pour commémorer le 30e anniversaire de la Révolution et devenu, bon an mal an, une véritable icône. Ce sobriquet, mal choisi, a été inventé en son temps par les fidèles de la mouvance islamiste alors très à la page lorsqu?il s?agissait de narguer la politique de l?Infitah de Chadli alors que l?Algérien avait plutôt besoin de bien manger, de bien travailler et de bien dormir. Une fois les trois palmes érigées, Maqam Chahid laisse la voie ouverte à diverses interprétations : il y a ceux qui y voient une tour Eiffel à l?Algérienne, un havre de paix pour les amoureux qui échangent paroles douces et embrassades sur l?immense esplanade attenante. Il y a ceux qui en font le repère et le minaret par excellence quand ils viennent en pèlerinage ou pour affaires à Alger et il y a enfin ceux qui n?y voient qu?un colosse inutilement érigé dont l?argent pouvait être injecté dans d?autres projets d?utilité publique, beaucoup moins fastueux. M. Tedjini, directeur de l?OREF, avance deux raisons essentielles : «Il y a d?abord la dévaluation du dinar amorcée avec la crise de 1986 qui a vu un grand nombre d?Algériens déserter les lieux étant donné que les prix étaient devenus inabordables pour les couches moyennes notamment.» «Avant 1984, l?Algérie vivait une aisance financière, l?argent coulait à flots. Les Algériens, qui avaient un pouvoir d?achat acceptable, avaient besoin de trouver des produits de luxe. Riadh El-Feth et ses boutiques devenaient un lieu de prédilection, une sorte de havre de paix, mais la dégringolade du dinar a précipité la déchéance de ce joyaux», ajoutera-t-il. Ensuite, il y a eu le problème «de l?insécurité des années 1990 qui a poussé les gens à éviter les lieux, car ils avaient peur pour leur vie», dira-t-il en tant que gérant d?un établissement qui cumule les mésaventures depuis belle lurette. Pour cette seconde raison, le directeur rappellera au passage que quatre bombes ont explosé durant les années de sang, dont une dans le célèbre cinéma Cosmos. Aussi, faudrait-il conclure qu?en fermant à 19h durant cette époque et bien après, les boutiques se sont fait hara-kiri. «Fermer à 19h dans un lieu censé contenir une marée humaine durant cette tranche horaire a été l'une des raisons qui ont précipité le déclin de cet endroit pourtant prestigieux.» Les mêmes causes produisant les mêmes effets, le directeur de l?Office parle d?ailleurs aujourd?hui du poids terrible des dettes contractées : «Nous avons une dette envers le Canadien Lavalin estimée à 17 milliards et qui est créditée auprès de la Banque algérienne du développement (BAD)» «C?est une épée de Damoclès sur nos têtes», se désole-t-il. Il faut savoir que la grande partie du budget de sa structure est consacrée aux travaux d?entretien des quatre niveaux. Riadh El-Feth, qui tourne annuellement à quelque 20 milliards de centimes, est, aujourd?hui, selon M.Tedjini, «sous perfusion». «Il faut payer nos employés, nos partenaires, assurer la sécurité, l?entretien des édifices. Tout cela coûte de l?argent», ajoute-t-il en précisant que l?Office a la réputation d?être «un bon payeur». La mauvaise réputation, en revanche, c?est évidemment celle acquise par le Bois des Arcades, grand espace forestier faisant partie de Riadh El-Feth, considéré comme lieu de vice et de débauche, tant prostituées et dealers font leur loi de jour comme de nuit en toute impunité, même si tout le temps, les agents de sécurité, des vigiles, essayent de faire leur travail de traque. Cependant, sur ce registre précis, le fait de n?être pas armé pose un problème d?autorité. M. Tedjini admet que ce problème récurrent des gardiens sans armes, surgit à chaque fois que l?Office organise sur l?esplanade ou dans l?agora, un spectacle auquel assistent des milliers de personnes dont certains ne viennent que pour semer la zizanie. L?énigme Acaref l Riadh El-Feth a des amis. Un groupe d?anonymes qui ont réussi à se regrouper en association. L?Association des amis de Riadh El-Feth. Seulement, cette association n?est pas reconnue. M. Tedjini dira à son sujet qu?«elle n?a jamais pris langue avec nous». «Ce sont des personnes qui prétendent former une association, mais qui ne se sont jamais manifestées». L?énigme Acaref est entier. Les contacter relève du miracle dans la mesure où cette pseudo-association ne dispose ni de locaux, ni de numéro de téléphone, ni de e-mail ni de fax !