Rendez-vous n Aujourd?hui dimanche, 61,2 millions d'électeurs allemands devront décider s'ils veulent basculer à droite après sept ans de gouvernement «rouge-vert» (SPD-Verts). Dans un système majoritaire, la réponse serait claire et nette : c'est elle ou lui. «Elle», c'est Angela Merkel, la candidate conservatrice qui promet qu'avec la CDU-CSU le pays ira beaucoup mieux. «Lui», c'est Gerhard Schröder, le chancelier social-démocrate qui a mis en ?uvre, durant son second mandat, des réformes jugées néolibérales. Mais dans le système allemand, rien n'est simple. Surtout quand il y a, comme c'est le cas, 30 % d'électeurs indécis. A la veille du scrutin, on évoquait à Berlin des scénarios-catastrophes : le spectre d'une «grande coalition» entre sociaux-démocrates et conservateurs, voire un plan secret d'Angela Merkel consistant à convoquer de nouvelles élections dans le cas où aucune majorité claire ne sortirait des urnes. Au début de la campagne, tout le monde donnait pourtant Schröder perdant. Mais «il a fait preuve d'une placidité bluffante et d'un sens du timing génial», analysait Bernd Ulrich dans le quotidien Tagesspiegel. «Si seulement il nous avait gouvernés comme il a mené sa campagne électorale, ces élections n'auraient pas été nécessaires...» Aujourd'hui, les électeurs allemands sont indécis. Après avoir été très favorables à un changement de gouvernement, ils ne sont plus que 45 % à le souhaiter. Un tiers d'entre eux pense qu'Angela Merkel sera plus à même de résoudre le problème du chômage. En même temps, les électeurs préfèrent de loin le chancelier actuel. Sa popularité personnelle lui a d'ailleurs permis de faire un bond dans les sondages après son duel télévisé avec Merkel, le 4 septembre. Mais depuis cette date, le SPD plafonne à 34-35 % des intentions de vote. Partis à 48 % en juin, les chrétiens-démocrates n'ont plus bougé, depuis la mi-juillet, de 42-43 %. De l'avis général, la campagne d'Angela Merkel n'a pas été brillante. Son projet de société reste vague. Libérale, elle ne veut pas apparaître comme une «Margaret Thatcher allemande» de peur de braquer les militants de son propre parti. Elle aurait pu exploiter davantage son hostilité à l'adhésion de la Turquie à l'Europe, mais a eu peur d'un effet boomerang. Peu charismatique, elle n'a pas non plus voulu jouer sur le registre émotionnel, ni enrôler sa famille dans la campagne. Sur ce terrain, la famille Schröder est de toute façon imbattable. Le grand mystère est qu'elle n'a pas été non plus capable de s'emparer du problème du chômage, sujet de préoccupation majeur des Allemands et principal point faible de Schröder. Elle a surtout commis l'erreur de présenter comme futur ministre des Finances Paul Kirchhof, le «Rambo fiscal», héraut de l'impôt à taux unique, qui s'est révélé être un repoussoir. Schröder a su exploiter cette faille. Evitant d'attaquer de front Angela Merkel, une femme, il a laissé Doris, son épouse, s'occuper d'elle, pendant qu'il se concentrait sur Kirchhof. La revanche, enfin ? Il y a neuf ans, une ministre allemande de l'Environnement, passablement inconnue, avait eu une violente altercation avec un célèbre ministre-président régional du bord politique opposé. «Un jour, en conclut-elle, je vais lui clouer le bec. Il me faudra du temps, mais le jour viendra. Et je m'en réjouis déjà.» Le jour est peut-être venu pour Angela Merkel de clouer le bec à Gerhard Schröder et de prendre sa place.