A l?orée de la forêt, Ahmed, bûcheron, vivait dans un petit gourbi avec sa femme et ses trois filles. Un matin, alors qu?il se rendait comme à l?accoutumée à son travail portant sa lourde hache et sa longue scie, il heurta, bien que légèrement, Ma settoute qui s?en offusqua. «Bûcheron ! pavane-toi avec ces outils ! lui cria-t-elle. Bientôt, tu n?auras même plus la force de les soulever ! Ce n?est pas ta portée de filles qui le fera un jour !» Puis la sorcière s?éloigna en ricanant, laissant le pauvre homme tout confus. Ahmed continua sa route, arriva à la forêt où il se mit à couper du bois, mais le c?ur n?y était plus. Il finit alors par s?avouer : «Il y a quelques années le travail me semblait moins dur !» : puis bien haut il soupira : «J?avance en âge !». Le djinn, maître de la forêt, lui répondit : «Et pas un seul bras valide pour tirer la scie ou une épaule solide pour porter la hache !» Le bûcheron tristement répondit : «Je donnerai ce que j?ai de plus cher pour avoir un garçon !» «Marché conclu, interrompit le djinn, me donneras-tu vraiment ce que tu as de plus précieux ?» insista El-afrit «Je n?ai rien de cher ni de précieux, se dit à voix basse Ahmed, autant accepter le marché : le djinn serait bien déçu s?il venait à visiter mon pauvre gourbi !». Alors, il répondit : «Marché conclu !». Quand le bûcheron rentra chez lui le soir, il découvrit ses voisines et ses filles en pleurs : sa femme était morte ! Il comprit mais trop tard, que le djinn ne parlait pas seulement d?argent. Le lendemain, après avoir enterré sa chère femme, le bûcheron alla dans la forêt et cria à El-Afrit : «Comment veux-tu que j?aie d?autres enfants si tu me prends ma femme ?» «Ta femme ne pouvait plus en avoir, il faut te remarier. Va voir Ma Settoute, elle saura guider ton choix !» ricana le mauvais génie. Après quelques mois de deuil, Ahmed, sur les conseils de Ma Settoute, épousa Fella, une femme aussi belle que mauvaise. Elle commença par détester les pauvres orphelines, en l?absence du père, elle les battait, les laissait souffrir de faim et les faisait travailler sans répit. Les jours et les mois s?envolèrent sans que l?on sache où et comment ils s?en allèrent. Mais Fella ne tomba pas enceinte, cela la rendait particulièrement acariâtre envers les pauvres orphelines. Ahmed, qui était complètement sous le charme de sa nouvelle femme, alla un matin se plaindre au djinn de la forêt : «Tu m?as promis un garçon. Voilà une année entière que j?ai une femme jeune et..;» Une voix forte interrompit le bûcheron : «Tu dois me donner ce que tu as de plus précieux, c?est-à-dire tes trois filles !» Ahmed, offusqué, refusa et jetant avec colère sa cognée, quitta la forêt. Ses pas le menèrent au souk. Là il vit des pères accompagnés de leurs fils, chargeant leurs mulets avant de s?en retourner à leur mechta. Cette scène le blessa tant qu?il revint à la maison plus malheureux encore ! Voyant sa mine défaite, sa femme le questionna. Il répondit qu?il était fatigué et, se sentant vieillir, il souhaitait un garçon pour le seconder. Fella, vexée, répliqua vivement : «Connais-tu, toi, le moyen d?avoir un garçon ?» Le bûcheron, trop bavard, répondit que oui et raconta l?histoire du djinn de la forêt qui exigeait de lui ses trois filles pour lui donner un héritier. Sa femme furieuse s?écria : «Je ne peux donc pas avoir d?enfants tant que tu n?auras pas obéi au génie !» Depuis ce jour-là, elle n?eut de cesse de lui reprocher son choix. Un matin, elle finit par lui annoncer : «Il faut que tu me délivres de ce sort. Je ne veux pas que mon ventre soit la tombe de mes propres enfants ! Si tu n?amènes pas tes filles dans la forêt, je m?en irai, ce soir même, chez mes parents. «Mais ce sont mes filles !» soupira le pauvre homme. (à suivre...)