Douze avril 1979, les rues de Paris retrouvent cet aspect décontracté qu'elles prennent à l'arrivée du printemps. Devant la terrasse d'un café, un jeune homme s'arrête brusquement. Il se met à tituber, puis à osciller, enfin il glisse doucement sur le trottoir et reste allongé, les bras le long du corps, la tête tournée vers le ciel, les yeux grands ouverts. Il n'a pas l'air d'un clochard. On dirait plutôt qu'il est malade. C'est peut-être le c?ur... Deux jours plus tard, un homme d'une quarantaine d'années pénètre dans le hall d'un hôpital. Le commissaire Guy sait que l'enquête concernant l'homme retrouvé sur la chaussée ne sera pas commode. Les médecins lui ont appris qu'il avait été drogué avec une très forte dose de narcotique. Il est resté plus de vingt-quatre heures dans le coma, et il n'a été sauvé que de justesse. Mais ce qui donne toutes les dimensions à cette affaire, ce sont ses conséquences. L'homme ne marque pas de réaction particulière en le voyant entrer dans la chambre. Visiblement, il n'est pas encore tout à fait remis. Le policier se penche au-dessus du lit. «Commissaire Guy, de la police judiciaire. Les papiers que nous avons trouvés sur vous sont bien les vôtres ? Vous vous appelez bien Fabrice Dedieu ?» L'hospitalisé, très pâle, a un hochement de tête affirmatif. «Nous avons beaucoup de choses à nous dire, monsieur Dedieu. D'abord, pouvez-vous nous apprendre où est la sacoche ?» Fabrice Dedieu agite sa tête sur l'oreiller. Il semble faire des efforts de mémoire. Il murmure d'un ton monocorde : «La sacoche. La sacoche...» Le commissaire continue d'un ton plutôt impatient. «La sacoche de la banque dont vous êtes employé. Vous étiez chargé de la porter de votre succursale au siège central. Elle contenait un million de francs et votre banque a porté plainte. Alors je vous demande, monsieur Dedieu : où est la sacoche ?» Cette fois, la mémoire paraît revenir à l'hospitalisé. Il a une grimace de douleur. «Oui... la sacoche... la femme...» Et par bribes, Fabrice Dedieu explique ce qui lui est arrivé. «En sortant de ma banque, j'ai été abordé par une jeune femme brune. Une très jolie fille, vingt-cinq ans environ. Elle m'a demandé son chemin ; elle parlait avec un accent espagnol. Une touriste perdue dans Paris. Je me suis dit que je ne pouvais pas laisser passer une occasion pareille. Je lui ai proposé de lui faire un bout de conduite. Elle a accepté... En passant devant une terrasse de café, je l'ai invitée à prendre un verre. Et elle a encore accepté. Ensuite, nous avons bavardé. C'était une Mexicaine en vacances en Europe. ? Elle vous a dit son nom ? ? Simplement son prénom : Dolores. C'est alors que je me suis souvenu de la sacoche. Je lui ai dit que je devais partir. Je lui ai donné rendez-vous pour le soir. Elle a accepté. Je lui ai dit au revoir et je me suis levé. C'est à ce moment-là que je ne me suis pas senti bien. J'ai marché encore un peu et après je ne me souviens de rien. ? Quand vous vous êtes levé, aviez-vous ou non la sacoche ?» L'employé de banque plisse douloureusement le front : «Franchement, je ne me souviens plus. A ce moment, cela n'allait plus du tout.» Dans les rues de Paris, tandis qu'il se dirige vers le domicile de Fabrice Dedieu, le commissaire Guy récapitule les éléments de son enquête. Pas un instant, il ne croit à l'histoire qui vient de lui être racontée. Fabrice Dedieu a tout inventé. C'est lui qui a volé le million de francs. Seulement, c'est à la police de le prouver et d'obtenir ses aveux. (à suivre...)