Des centaines d'émigrés africains, aux visages et aux corps tuméfiés ou sanguinolents, s'entassaient, hier, vendredi, à Melilla après avoir franchi, comme on saute dans l'inconnu, les barrières qui séparent le Maroc de l'enclave espagnole. Ce minuscule territoire de 12,5 km2 offrait les mêmes scènes de désespoir que son frère jumeau de Ceuta, autre enclave espagnole en territoire marocain, où cinq personnes sont mortes jeudi lors d'un assaut massif de candidats à l'émigration. Les bandages rougis de sang, les vêtements déchirés par les barbelés racontent l'épisode le plus récent de l'errance de ces «Subsahariens» : un passage en force de l'enceinte grillagée qui sépare Melilla du territoire marocain. Lundi et mardi dans la nuit, au cours de deux assauts, plus de 1 000 personnes ont tenté de franchir cette barrière, d?une hauteur de trois à six mètres selon les portions, qui les sépare du rêve européen. «J'ai grimpé à mains nues. Je n'avais même pas de gants pour me protéger», explique Ibrahim, un Ivoirien, âgé de 17 ans, vêtu d'un maillot déchiré de l'Ajax d'Amsterdam. «ça n'a pas été facile», ajoute-t-il en minimisant ses difficultés et ses souffrances comme le font beaucoup de ses compagnons lorsqu'ils racontent leur odyssée. «Nous avons simplement marché vers la barrière pour la franchir. J'ai déjà passé un an et demi au Maroc, il n'y a rien à faire ici pour nous. Notre seul but, c'est d'aller en Espagne», explique le jeune homme. A son cou est accroché un pendentif artisanal en bois sur lequel un prénom s'inscrit : Fateem. «C'est une fille que je connais. On ne sait jamais, peut-être qu'un jour elle me rejoindra. Mais pour l'instant, je n'ai aucune idée de ce qui va m'arriver», poursuit-il.