Le chant populaire algérien est riche et multiple. La variété qui caractérise les villes d?Alger et de Mostaganem est bien sûr le chaâbi. Ce genre populaire suscite beaucoup de passion. C?est plus qu?un aspect culturel propre à une région, c?est tout un mode de vie, vous diront les inconditionnels du chaâbi. C?est une façon d?être, de communiquer et d?aborder la vie. Tantôt d?une manière éclairée, tantôt avec sarcasme, souvent avec philosophie, mais jamais l?indifférence ne fera partie de cette culture dont la modestie n?a qu?une forme matérielle. L?opulence, elle, est spirituelle. Le chaâbi puise son essence du melhoun, poésie mise en musique. Ahmed Amine Dellaï, dans son ouvrage Chansons de La Casbah, décrit le chaâbi comme suit : «C?est un genre musical d?apparition somme toute récente, puisqu?il date des débuts du XXe siècle. Dominé par la haute stature de cheikh M?hamed El-Anka et indissociable de la capitale, Alger, et de sa fameuse Casbah, il est caractérisé, avant tout, par la qualité et la variété des textes dont il a fait son répertoire. Puisant principalement, à ses débuts, dans les ?uvres des poètes algériens du haouzi, comme chez les poètes marocains du genre moghrabi qui lui préexistaient, il a fini, devant l?incomparable variété thématique et métrique de l?école marocaine du melhoun, par lui emprunter la majeure partie de ses textes et par devenir une sorte de genre synthétique moghrabi-medh mélodiquement et rythmiquement renouvelé.» L?auteur met en exergue l?écrit qui constitue la charpente du chaâbi. «L?essence même du chaâbi, dit-il, sa substantifique moelle, à savoir les grandes qacidas maghrébines, qui forment le noyau dur du répertoire des grands maîtres. Ainsi, la chansonnette chaâbie qui a ses paroles, ses compositeurs et son public particuliers. Le représentant le plus illustre et le plus doué de cette dernière étant, sans conteste, le très attachant Dahmane El-Harrachi, aujourd?hui disparu, qui a su donner à ce genre réputé léger et superficiel la profondeur et l?authenticité qui lui manquaient, à travers des textes dont il est lui-même l?auteur». El-Hadj M?hamed El-Anka auquel on accorde la paternité du chaâbi s?est entouré de jeunes talents qu?il a formés et qui ont, par la suite, pris leur envol. On citera notamment Boudjemaâ El-Ankis, surnommé ainsi pour sa dextérité qui égale presque son maître. Il y a également Guerrouabi, Hassen Saïd, Mehdi Tammache, H?sisen et bien d?autres encore.