Fin Poursuivi pour trois assassinats dans les années 1980 près de Mourmelon, il a été transféré de l'hôpital de la prison de Fresnes au CHU de Reims, ville où son procès devait s'ouvrir. L'ex-adjudant Pierre Chanal, meurtrier présumé de trois des huit disparus de Mourmelon, s'est suicidé dans la nuit de mardi à mercredi à Reims, ce qui a entraîné la brutale fin du procès auquel il refusait d'assister. Cette conclusion dramatique, moins de 24 heures après le début de l'audience, a frustré les familles des victimes de la vérité et souligné les faiblesses de la justice. Pierre Chanal s'est ouvert la fémorale gauche grâce à l'une des deux lames de rasoir jetables qu'il avait vraisemblablement transportées depuis la prison de Fresnes. Il a été déclaré mort à 00h 47, une minute à peine après l'arrivée d'un médecin, alerté par les policiers en faction devant sa chambre. Selon le procureur, il a mis de 4 à 7 minutes à mourir. Cet ancien militaire de 57 ans avait pris soin de se poser un garrot à chaque cuisse pour se tuer plus rapidement et moins douloureusement. «Une véritable technique de commando», a commenté Yves Charpenel, procureur général de Reims. Selon les magistrats, c'est à Fresnes qu'il aurait pu se procurer les lames de rasoir, dans des circonstances que des enquêtes judiciaire et administrative doivent tenter de déterminer. «Il les a ensuite probablement cachées sous l'étiquette rigide de son pantalon», selon Vincent Lesclous. «Toutes les mesures (de sécurité), inédites par leur ampleur, ont été respectées tant du côté judiciaire, policier, qu'hospitalier», a affirmé M. Charpenel, ce dont convenait Gérard Chemla, avocat de sept des huit familles de victimes. «J'ai assez souligné les manquements de l'enquête pour reconnaître que Chanal a été plus fort que la justice qui, pour ce procès, a fait tout ce qui était en son pouvoir», a-t-il précisé. «J'ai le sentiment qu'on n?a pas pris très au sérieux ce que j'ai dit sur son état physique et psychique», a au contraire estimé Me André Buffard, avocat de Chanal. «Pour lui, tout était fini, il savait qu'il était condamné d'avance. C'était une parodie de justice. Il fallait que le procès se fasse pour que les familles fassent leur deuil. Dans ces conditions, ses chances étaient nulles», a-t-il ajouté. Le corps de l'ancien militaire a été transféré à l'institut médico-légal à Paris pour autopsie. «Nous devons avoir les éléments pour comprendre comment une lame de rasoir a pu être utilisée», a déclaré le ministre de la Justice Dominique Perben, alors que le fonctionnement de l'institution judiciaire était mis en cause, notamment par les familles des victimes. «Ce qui s'est passé, aujourd'hui, marque un peu le naufrage définitif de la justice dans cette affaire qui dure depuis 23 ans», a souligné Gilles Denis, le frère de Patrice, disparu à l'âge de 20 ans en août 1985. «Pierre Chanal a été le plus fort, il a gagné son procès en ne trouvant que ce moyen pour ne pas être déclaré coupable», a constaté avec amertume Me Chemla. Pour lui, «le suicide de Pierre Chanal est la signature de la culpabilité d'un tueur en série. S'il était innocent, il fallait qu'il vienne nous le dire». L'ancien adjudant, qui a toujours clamé son innocence, avait depuis 1995 menacé de se suicider s'il était un jour jugé «pour des faits qu'il n'avait pas commis». Il avait déjà tenté de se suicider, 48 heures avant son procès, initialement prévu en mai dernier, puis en juillet, selon son avocat. Pierre Chanal avait été arrêté par hasard en août 1988 près de Mâcon, avec dans son camping-car un jeune auto-stoppeur hongrois qu'il avait violé. Il a purgé 10 ans de réclusion pour ces faits qui ont mis les enquêteurs sur sa piste dans l'affaire des disparus.