Résumé de la 1re partie Le lieutenant de police Somchaï conduit sa fille de 7 ans et une jeune femme à l?aéroport de Bangkok. Elles doivent se rendre chez la mère de la petite fille. La belle jeune femme présente son passeport au garde-frontière qui voit passer avec étonnement au ras de son guichet une coiffure luisante, étrangement frisottée. Il se hausse de quelques centimètres pour découvrir qu?il s?agit de la poupée que la fille du lieutenant semble vouloir étouffer dans ses bras. «C'est votre fille, lieutenant ? ? Oui. Elle va retrouver sa mère à Hong Kong.» Lorsqu'ils entrent dans la salle d'attente, la fillette montre, à travers la vitre, les appareils qui attendent sur le taxiway : «Notre avion, papa, c?est lequel ? ? C?est celui-là. Tu vois, celui qui est bleu et blanc ? C?est écrit dessus : Cathay Pacific Airways. ? Et je serai près d?un hublot ? ? Tu seras près d?un hublot. ? Dommage que tu ne viennes pas avec nous, papa... ? Oui, c?est dommage», murmure le lieutenant en regardant d'un air entendu la jeune femme. Et furtivement, ils se serrent la main dans le dos de la petite fille. Ce que la jeune femme ne sait pas c?est qu?il y a quelques semaines, le lieutenant rencontrait dans un bar élégant de Bangkok une autre jolie fille. C?était une de ces hôtesses de bar qui tiennent compagnie aux hommes dés?uvrés moyennant un prix fixe établi à l'heure. A cette femme, il avait proposé, pour l'équivalent de quelques milliers de francs, d?accompagner sa fillette en avion à Hong Kong. L'affaire ne s'est pas faite car le lieutenant, complètement fauché, n?avait même pas pu lui verser un acompte de 2 000 francs. Il faut dire aussi que la ravissante hôtesse n?était pas née de la dernière pluie et craignait que la proposition de l?inquiétant policier ne recouvre un autre projet comme, par exemple, celui de la vendre dans une maison de prostitution de Hong Kong. «Regarde, papa... Je vois nos valises...» La fillette court jusqu'à la vitre et regarde le chariot qui s'est arrêté sous le Convair dont un employé a ouvert les panneaux de soutes, qui pendent sous son gros ventre. Plus l'heure du départ approche, plus l'enfant est excitée. Elle va, vient, virevolte dans la salle d'attente comme si elle dansait avec sa poupée. Le lieutenant Somchai regarde sa montre : plus que cinq minutes. Il y a deux ans que le lieutenant est entré dans la police. Ses camarades parlent de lui comme d'un homme instable et peu communicatif, un peu vantard aussi. La nuit, il amenait, paraît-il, des prostituées au quartier, ce qui est interdit. Il y a six mois qu'il a demandé et obtenu un poste à la police de l?air de l?aéroport. L'enfant bavarde près de lui. «La dame a dit qu'on se ressemble, papa. C'est vra¦ ?» Le lieutenant acquiesce gravement et regarde sa fille. Est-ce qu?elle lui ressemble ? En réalité, il n'en sait rien. La fillette ne compte pas dans sa vie. Fils d'un avocat, le lieutenant a fait ses études aux Philippines. Il épousa Alice, mère de la petite fille, puis divorça très vite. L'enfant et sa maman retournèrent alors à Hong Kong où celle-ci avait toute sa famille. Depuis, la fillette et son père se voient rarement. Mais les séjours de l'enfant à Bangkok sont pour elle une grande joie. «Quand est-ce que je reviendrai à Bangkok, papa ? ? Bientôt, très bientôt. Je te le promets.» C'est faux. Jamais l?enfant ne reviendra à Bangkok, du moins si tout se passe comme prévu. Les bagages sont chargés, les portes de la soute refermées. C'est là, deux mètres au-dessus, un peu en arrière de l?aile, que se trouve le point faible de l?appareil. Le lieutenant l?a lu dans une notice technique que lui a fourni un mécanicien. Et c?est là que sera assise la fillette, près d'un hublot. «Les passagers du vol C.P.29 pour Hong Kong sont priés de se présenter avec leur carte d?embarquement. Les enfants et les personnes les accompagnant sont embarqués en priorité», susurre dans un haut-parleur une hôtesse invisible. (à suivre...)