Résumé de la 35e partie n Dans la ville où Kamaralzamân arrive, tous les musulmans ont été massacrés par les envahisseurs étrangers. Seul rescapé, un jardinier qui reçoit le prince dans sa maison. Kamaralzamân, ému de reconnaissance pour la générosité du jardinier, ne lui déguisa rien de toute son histoire et termina son récit en fondant en larmes. Le vieillard fit de son mieux pour le consoler et lui dit : «Mon enfant, la princesse Boudour a dû certainement te précéder au royaume de ton père, le pays de Khaledân. Ici, dans ma maison, tu trouveras chaleur d'affection, asile et repos, jusqu'à ce qu?un jour Allah envoie un navire qui puisse te transporter à l'île la plus proche d'ici et qu'on nomme l'île d'Ebène. Et alors de l'île d'Ebène jusqu'au pays de Khaledân, la distance n'est pas bien grande et tu trouveras là beaucoup de navires pour t'y transporter. Je vais donc dès aujourd'hui me rendre au port et tous les jours je recommencerai, jusqu'à ce que je voie un marchand qui consente à faire avec toi le voyage à l'île d?Ebène ; car pour en trouver un qui veuille aller jusqu'au pays de Khaledân, il faudrait des années et des années !» Et le jardinier ne manqua pas de faire comme il avait dit ; mais des jours et des mois passèrent sans qu'il pût trouver un navire en partance pour l'île d'Ebène. Et voilà pour Kamaralzamân ! Mais pour ce qui est de Sett Boudour, il lui arriva des choses si merveilleuses et si étonnantes, ô Roi fortuné, que je me hâte de revenir à elle. Voici ! En effet, lorsque Sett Boudour se réveilla, son premier mouvement fut d'ouvrir les bras pour serrer contre elle Kamaralzamân. Aussi son étonnement fut-il très vif de ne le point trouver à côté d'elle ; et sa surprise fut extrême de constater que son caleçon à elle était dénoué et que le cordon de soie avait disparu avec la cornaline talismanique. Mais elle pensa que Kamaralzamân, qui ne l'avait pas encore vue, avait dû l'emporter dehors pour la mieux regarder. Et elle attendit patiemment. Lorsque, au bout d'un certain temps, elle vit que Kamaralzamân ne revenait pas, elle commença à s'inquiéter fort et fut bientôt dans une affliction inconcevable. Et lorsque le soir fut venu sans amener le retour de Kamaralzamân, elle ne sut plus que penser de cette disparition, mais elle se dit : «Ya Allah ! Quelle chose assez extraordinaire a pu ainsi obliger Kamaralzamân à s'éloigner, lui qui ne peut s'absenter une heure loin de moi ? Mais comment se fait-il qu'il ait également emporté le talisman ? Ah ! maudit talisman, tu es la cause de notre malheur. Et toi, maudit Marzaouân, mon frère, qu'Allah te confonde de m'avoir fait cadeau d'une chose si funeste !» Mais quand Sett Boudour vit, au bout de deux jours, que son époux ne revenait pas, au lieu de s'affoler comme toute femme l'eût fait en pareille circonstance, elle trouva dans le malheur une fermeté dont les personnes de son sexe sont d'ordinaire bien dénuées. Elle ne voulut rien dire à personne au sujet de cette disparition, de peur d'être trahie ou mal servie par ses esclaves ; elle enfonça sa douleur dans son âme et défendit à la jeune suivante qui la servait d'en rien dire. Puis, comme elle savait combien sa ressemblance était parfaite avec Kamaralzamân, elle quitta aussitôt ses habits de femme et prit dans la caisse les effets de Kamaralzamân et commença à s'en vêtir. Elle mit d'abord une belle robe rayée, bien ajustée à la taille et laissant le cou dégagé ; elle s'entoura d'une ceinture en filigrane d'or où elle passa un poignard à poignée de jade incrustée de rubis ; elle s'enveloppa la tête d'un foulard de soie multicolore qu'elle serra autour de son front avec une triple corde en poil soyeux de jeune chameau et, ces préparatifs faits, elle prit un fouet à la main, se cambra les reins et ordonna à sa jeune esclave de s'habiller des vêtements qu'elle venait elle-même de quitter et de marcher derrière elle. De la sorte tout le monde, en voyant la suivante, pouvait se dire : «C'est Sett Boudour !» Elle sortit alors de la tente et donna le signal du départ. (à suivre...)