Résumé de la 45e partie n Kamaralzamân est à la veille de son départ pour l?île d?Ebène, tandis que le vieux jardinier est pris d?une forte fièvre. Alors, Kamaralzamân entra chez le jardinier et lui trouva le visage fort pâle, bien qu'empreint d'une grande sérénité. Il lui demanda de ses nouvelles et apprit ainsi le mal dont souffrait son ami ; et, malgré les paroles que le malade lui disait pour le rassurer, il ne laissa pas d'être fort inquiet. Il lui fit prendre diverses décoctions d'herbes vertes, mais sans grand résultat. Puis il lui tint compagnie toute la journée et le veilla durant la nuit, et put voir de la sorte le mal s'aggraver. Aussi, avec le matin, le bon jardinier qui avait à peine eu la force de l'appeler à son chevet, lui prit la main et lui dit : «Kamaralzamân, mon fils, écoute ! Il n'y a d'autre Dieu qu'Allah ! Et notre seigneur Mohammed est l'envoyé d'Allah !» Puis il expira. Alors Kamaralzamân fondit en larmes et resta longtemps assis à pleurer, à côté. Il se leva ensuite, lui ferma les yeux lui rendit les derniers devoirs, lui confectionna un linceul blanc, creusa la fosse et mit en terre le dernier fils musulman de ce pays devenu mécréant. Et alors seulement il songea à aller s'embarquer. Il acheta quelques provisions, ferma la porte du jardin, prit la clef avec lui, et courut en hâte au port, alors que le soleil était déjà bien haut ; mais ce fut pour voir le navire, toutes voiles dehors, emporté par le vent favorable vers la haute mer. La douleur de Kamaralzamân, à cette vue, fut extrême ; mais il n'en fit rien paraître pour ne pas faire rire à ses dépens la canaille du port ; et tristement, il reprit le chemin du jardin dont il était devenu, par la mort du vieillard, le seul héritier et le seul propriétaire. Aussi, une fois arrivé dans la petite maison, il s'effondra sur le matelas et pleura sur lui-même, sur sa bien-aimée Boudour et sur le talisman qu'il venait de perdre pour la seconde fois. L'affliction de Kamaralzamân fut donc sans limites quand il se vit, forcé par le destin farouche, de rester encore dans ce pays inhospitalier jusqu'à une date inconnue ; et la pensée d'avoir pour toujours perdu le talisman de Sett Boudour le désolait encore bien plus, et il se disait : «Mes malheurs ont commencé avec la perte du talisman ; et la chance m'est revenue quand je l'ai retrouvé ; et maintenant que je l'ai reperdu, qui sait les calamités qui vont s'abattre sur ma tête !» Il finit pourtant par s'écrier : «Il n'y a de recours qu'en Allah le Très-Haut !» Puis il se leva et, pour ne pas risquer de perdre les dix autres vases qui formaient le trésor souterrain, il alla acheter vingt nouveaux pots, y mit la poudre et les lingots d'or et acheva de les remplir d?olives jusqu'au haut, en se disant : «Ils seront ainsi prêts, le jour qu'Allah écrira pour mon embarquement !» Et il recommença à arroser les légumes et les arbres à fruits, en se récitant des vers bien tristes sur son amour pour Boudour. Et voilà pour lui ! Quant au vaisseau, il eut un vent favorable et ne tarda pas à arriver à l'île d'Ebène ; il alla mouiller juste au-dessous de la jetée où s'élevait le palais qu'habitait la princesse Boudour sous le nom de Kamaralzamân. A la vue de ce navire qui entrait, toutes ses voiles déployées et toutes ses bannières au vent, Sett Boudour eut une envie extrême de l'aller visiter, d'autant plus qu'elle avait toujours l?espoir de retrouver un jour ou l'autre son époux KamaraIzamân embarqué à bord de l'un des navires qui arrivaient du loin. Elle ordonna à quelques-uns de ses chambellans de l'accompagner et se rendit à bord du navire qu'on lui disait, d'ailleurs, chargé de fort riches marchandises. (à suivre...)