Débat n Les textes ne manquent pas, mais il reste à évaluer leur qualité. Une fois encore et pour la énième fois, la question du théâtre algérien, souvent sujet à un débat controversé, est abordée par nombre de spécialistes. Certains considèrent que le théâtre algérien ne souffre d?aucune crise, du moins de l?écriture dramaturgique, c?est-à-dire le texte. Cette assertion est cependant peu convaincante. Ali Berraoui, directeur du Théâtre régional de Annaba, a souligné que «ce qu?on a coutume d?appeler une crise de textes dans le théâtre algérien est fabriquée de toute pièce». Et de préciser : «Pour preuve, nous n?avons jamais manqué de textes, qu?ils soient composés par des auteurs locaux confirmés, jeunes amateurs ou encore par des auteurs universels.» Certes les textes ne manquent pas, mais il reste à évaluer leur qualité tant au plan de l?esthétique qu?au plan de la thématique. Lors des présentations des pièces par des jeunes troupes, à la précédente édition du Festival du théâtre d?art dramatique de Mostaganem, nous avons pu constater que les textes manquaient de teneur au niveau du contenu et de crédibilité scénique au plan de l?interprétation. Autrement dit : le texte y était, mais la quintessence même du produit était absente car les sujets abordés échappaient au présent. Ils n?étaient plus d?actualité. Cela causait une rupture et entre le texte et entre le public qui, lui, ne se sentait pas concerné par le texte lui-même qui ne reflétait pas son vécu. Par ailleurs, la matérialisation du texte sur scène laissait à désirer : un jeu dénué quasiment de tout intérêt, ainsi que de vigueur et de vraisemblance dramaturgique. Le théâtre algérien est en manque de nouveaux textes, jeunes, neufs et s?inscrivant dans l?actualité quotidienne, celle à laquelle le public s?identifie. Omar Fatmouche, directeur du Théâtre régional de Béjaïa, met l?accent sur la question : «La raison du manque de nouveau textes dramatiques n?est pas à chercher dans l?inexistence d?auteurs mais, plutôt, dans la non-maîtrise par ces derniers des techniques théâtrales et des spécificités de l?écriture pour la scène.» Effectivement, les jeunes auteurs qui abondent en nombre, manquent, semble-t-il, de motivation et d?inspiration. A défaut de créativité et de nouveauté, chacun se borne à rédiger des textes. D?autres encore se contentent seulement de puiser soit dans le répertoire local, soit dans le registre universel. Et pour tenter de remédier à cette insuffisance, un geste (louable) est initié par M?hamed Ben Guettaf, directeur du TNA, qui lance une expérience inédite : ouvrir un espace, «Echos de plumes», à des auteurs en herbe pour lire en public leurs textes. «C?est un travail d?encouragement et de prospection de talents qui va continuer et qui finira, tôt ou tard, par donner une bonne récolte», dira-t-il. l Le théâtre algérien connaît, certes, une abondance de textes dans le sens prolifique du terme, et à ce niveau-là, l?on ne peut parler de crise, mais au plan du contenu, donc de la qualité, il est clair que la crise se fait sensiblement sentir puisqu?il y a un vide, une absence de créativité thématique et de recherche de nouvelles formes d?esthétique. La crise du texte, donc celle d?auteurs avérés, est engendrée par une autre, plus pesante. Admettons une hypothèse : dans le cas où il y aurait vraiment une production notable de textes, le théâtre algérien, avec seulement sept infrastructures qui, la plupart du temps, restent cloîtrés dans leurs villes faute de moyens de diffusion à l?échelle nationale, parviendra-t-il à satisfaire tous les goûts du public, sachant que ce dernier est diversifié et porté sur l?éclectisme ? Le manque d?espaces consacrés au 4e art dans sa pluralité thématique et esthétique fait effectivement que l?on relève une déficience dans l?écriture dramaturgique. L?absence de stimulants pour les auteurs afin de les orienter vers l'écriture dramatique est aussi un autre facteur de la crise. Azri Ghaouti, directeur du Théâtre régional d?Oran, dira : «Les droits revenant aux auteurs, une fois leurs textes acceptés et programmés pour la production, sont dérisoires, en plus du manque de moyens de diffusion pour les théâtres publics.» Le manque de motivation engendre un manque d?inspiration : si leur produit n?est pas rémunéré en conséquence et n?est pas présenté au public par défaut de disponibilité de scène ou de diffusion, les jeunes dramaturges ne manifesteront pas ce besoin de s?investir entièrement dans la création théâtrale.