Résumé de la 1re partie n Bel-Heureux a maintenant cinq ans. Pour sa circoncision, une grande cérémonie est organisée par son père et de nombreuses personnes sont invitées. Lorsqu'on fut revenu à la maison, les invités vinrent, l'un après l'autre, faire leurs souhaits au marchand Printemps, avant de se retirer en disant : «Que la bénédiction te visite et la joie ! Puisses-tu jouir durant une longue vie de l'abondance des joies de l'âme...» A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Mais lorsque fut la deux cent trente-huitième nuit, elle dit : «...Puisses-tu jouir durant une longue vie de l'abondance des joies de l'âme !» Puis les années s'écoulèrent dans le bonheur, et les deux enfants atteignirent l'âge de douze ans. Alors, Printemps alla trouver son fils Bel-Heureux qui jouait au mari avec Belle-Heureuse et le prit à part et lui dit : «Voici, ô mon enfant, que tu viens d'avoir l'âge de douze ans, grâce à la bénédiction d'Allah ! Aussi, dès ce jour, il ne faut plus appeler Belle-Heureuse ta s?ur, car je dois maintenant te dire que Belle-Heureuse est la fille de notre esclave Prospérité, bien que nous l'ayons fait élever avec toi dans le même berceau et que nous la traitions comme notre fille. De plus, il faut désormais qu'elle se couvre le visage du voile, car ta mère m'a dit que Belle-Heureuse a atteint, la semaine dernière, l'époque de sa nubilité. Aussi, ta mère va-t-elle s'employer à lui trouver un époux qui deviendra pour nous un esclave dévoué.» A ces paroles, Bel-Heureux dit à son père : «Du moment que Belle-Heureuse n'est pas ma s?ur, je veux moi-même la prendre pour épouse !» Printemps répondit : «Il faut demander la permission à ta mère.» Alors Bel-Heureux alla trouver sa mère, et lui baisa la main et la porta à son front ; puis il lui dit : «Je désire prendre Belle-Heureuse, la fille de notre esclave Prospérité, pour épouse secrète.» Et la mère de Bel-Heureux répondit : «Belle-Heureuse t'appartient, mon enfant ! Car ton père l'avait achetée à ton nom.» Aussitôt Bel-Heureux, fils de Printemps, courut trouver son ancienne s?ur et la prit par la main et l'aima et elle l'aima, et le soir même, ils dormirent ensemble en époux heureux. Puis cet état de choses ne cessant point, ils vécurent tous deux à la limite du bonheur durant encore cinq années bénies. Aussi, dans toute la ville de Koufa, il n'y avait pas d'adolescente plus belle ou plus douce ou plus délicieuse que la jeune épouse du fils de Printemps. Il n'y en avait pas non plus d'aussi instruite ou d'aussi savante. En effet, Belle-Heureuse avait consacré ses loisirs à apprendre le Coran, les sciences, la belle écriture koufique et l'écriture courante, les belles-lettres et la poésie, le jeu des instruments à cordes et à percussion. Et elle était devenue tellement habile dans l'art du chant qu'elle savait plus de quinze modes différents de chanter et qu'elle pouvait sur un seul mot du premier vers d'une chanson prolonger pendant plusieurs heures, et même toute une nuit, des variations infinies qui ravissaient par leurs rythmes et leurs tremblements. Aussi, que de fois Bel-Heureux et son esclave Belle-Heureuse ne venaient-ils pas, aux heures chaudes, s'asseoir dans leur jardin, sur le marbre nu autour du bassin, où la fraîcheur de l'eau et de la pierre les pénétrait de délices. Là, ils mangeaient des pastèques exquises à la chair fondante et légère, des amandes et des noisettes et des grains torréfiés et salés et bien d'autres choses admirables. Et ils s'interrompaient pour respirer des roses ou des jasmins ou pour se réciter des poèmes charmants. Et c'est alors que Bel-Heureux priait son esclave de préluder ; et Belle-Heureuse prenait sa guitare aux cordes doubles dont elle savait tirer des sons à nuls autres pareils. (à suivre...)