Passion n «Dès l?enfance, je mourais d?envie d'être, un jour, dans la cabine d?un bus et de transporter des dizaines de personnes.» Ce rêve de Fatiha est aujourd?hui réalité. Depuis plus d?une année, elle conduit un bus de l?Etusa à Alger. La quarantaine bien entamée, cette femme à qui le foulard sur la tête n'enlève rien de son charme, semble être désignée par la destinée pour devenir femme chauffeur de bus. En effet, Fatiha, mère de cinq enfants, originaire de Constantine et instruite, est l'épouse d?un chef de service au parc central de l?Etusa à Alger. «Mon époux était au courant d?un avis de recrutement dans cette entreprise et où, on avait aussi sollicité des candidates. Il m?a, alors conseillé de passer un examen pour l?obtention d?un permis de conduire de transport en commun. Ce que j?ai tout de suite fait. Le jour de l?examen, il n?y avait qu?une douzaine de femmes parmi des centaines d?hommes. Heureusement que j?étais la seule femme au milieu de 13 hommes qui ont réussi le test», raconte-t-elle. Le stage de conduite prévu pour deux mois, la seule femme chauffeur à Alger l?a fait en?3 semaines seulement. «Dès la deuxième semaine le moniteur commençait à faire monter des passagers avec moi, il me faisait confiance et j?en étais fière», raconte-t-elle. Au début, Fatiha était la coqueluche des Algérois. «Une femme au volant d?un bus ! ça c?est original», commentaient les passagers et les passants dans chaque quartier d?Alger. «Là où je passais, j?entendais des propos d?encouragement ??Vive la femme algérienne !??, ??Bravo madame !??? scandaient les gens. Dans le bus, les passagers étaient très gentils avec moi. Ils rentraient, ils disaient bonjour, ils descendaient, ils disaient au revoir, alors qu?ils n?ont pas toujours le même comportement avec mes collègues hommes», souligne-t-elle. Mais Fatiha reconnaît qu?une certaine catégorie de personnes voyaient mal, très mal le fait qu?une femme conduise un bus. «A quand une femme dans un train ou dans un char ? Trop c?est trop ! m?a dit un jour, un sexagénaire qui n?a pas voulu monter avec moi», raconte Fatiha. Ces propos ne l?ont pas découragée. Sa famille, ses proches et son quartier étaient fiers d?elle. «C?est ce qui m?a maintenue jusqu?à aujourd?hui. Ils sont mon miroir, tout le monde me respecte», témoigne-t-elle. Elle reconnaît cependant que la femme algérienne qui se respecte est respectée. «Imaginez que dès que j?entre dans le bus, les passagers qui sont proches de moi cessent de parler ou parlent à voix basse, c?est un réflexe chez l?Algérien devant une femme qui cherche à se distinguer !», souligne-t-elle. A la question de savoir comment Fatiha arrive à concilier son travail et sa maison elle répond : «C?est un métier tout à fait comme les autres. Pour moi, travailler dans un bureau ou comme chauffeur de bus c?est pareil ! J?ai suffisamment de temps devant moi après la fin du travail et mes enfants sont tous à l?école.»