Conférence n Mme Messaouda Yahiaoui Mrabet était, samedi, l?invité du café philosophique à la Bibliothèque nationale. Lors de cette rencontre, Mme Messaouda Yahiaoui Mrabet, professeur d?histoire à l?Université d?Alger, a présenté son dernier ouvrage, Société musulmane et communautés européennes dans l?Algérie du XXe siècle, paru aux éditions Houma. L?intervenante a expliqué que tout son travail, un travail fouillé et documenté, est fondé sur la littérature dite algérianiste, c?est-à-dire qu?elle a puisé une grande partie de sa bibliographie dans les romans coloniaux, car «même l?histoire se lit dans la littérature», dit-elle. Ce livre raconte, en suivant une méthodologie d?ordre sociohistorique, une Algérie plurielle dans laquelle sont placés dans un cadre conflictuel, celui du système colonial, des groupes sociaux, juxtaposés, séparés par leur passé et leurs origines, leurs croyances et leur culture. Il y avait la société algérienne musulmane, la communauté européenne (chrétienne) issue de l?immigration et les juifs enracinés au Maghreb. Ainsi, ce livre raconte le rapport ? conflictuel et complexe ? entre les Algériens musulmans et les Européens, qu?elle a décelé dans les romans coloniaux qui véhiculent des discours d?exclusion et où sont développées des thèses ethno-idéologiques afin de justifier la colonisation. «Ces mythes veulent que la présence française, voire européenne sur le territoire algérien vient du fait que celui-ci est l?héritage de Rome et que l?Afrique du Nord est latine et non pas musulmane», souligne-t-elle. Tandis que le roman colonial foisonnait et prenait d?immenses proportions tout en prenant soin de glorifier la colonisation, paraissent alors des écrits d?algériens issus de l?intelligentsia qui, ayant commencé à se former dès la fin du XIXe siècle, avaient réagi vivement à de telles théories, en affirmant que la colonisation est une agression, que l?assimilation s?avère impossible et qu?il n?était pas question que l?Algérien se naturalise au détriment de son islamité, de son histoire et de sa culture ancestrales. Ce refus est à relever dans de nombreux écrits comme ceux de Mohamed Ould Cheikh (Myriam dans les palmes) où il est question de l?échec de l?assimilation. Concernant ces écrits, Mme Messaouda Yahiaoui Mrabet dira que le roman algérien ne commence pas avec Dib ou Mammeri, mais bien avant cela, avec Mohamed Ould Cheikh et bien d?autres. Plus tard, la conférencière dira à propos de son livre : «Ce travail est toute une vie, c?est ma vie ; je l?ai entamé en 1969.» Et d?ajouter : «J?ai fait l?école coloniale, j?ai côtoyé des Européens, j?ai vécu avec eux, sans les connaître cependant. A l?école, les professeurs nous ont enseigné la philosophie et la littérature ainsi que l?histoire, mais pas la mienne. Ce n?est que plus tard, à l?indépendance, que j?ai commencé à découvrir l?histoire, mon histoire. J?ai commencé alors un travail de recherche et de documentation, notamment sur la période coloniale.» Mme Messaouda Yahiaoui Mrabet a publié de nombreux ouvrages : La résistance algérienne 1830/1920; Roman et société coloniale de l?entre-deux- guerres 1919/1939 ; Regard sur les littératures coloniales.