L?habitude de ne pas rentrer chez soi à midi pour manger s?est, aujourd?hui, largement répandue. C?est pour cela que les gargotes et autres fast-foods ont tellement proliféré. Bien mal, malheureusement. Ceux qui ont la quarantaine et plus se rappellent, peut-être, les gargotes d?Alger et d?ailleurs où l?on mangeait si bien, encore mieux que dans les restaurants gastronomiques. Ceux qui étaient pressés pouvaient manger sur l?ongle ces petits plats tout simples, mais savoureux. Chaque ville avait ses spécialités. A Alger, on pouvait, à moindre prix, déguster ces chtit?ha sardine, ces m?charmla kebda, ces fritures et grillades de poissons, ces loubia à l?ail et à l?huile d?olive et tous les autres petits plats pour quelques pièces. A Constantine, les gourmets étaient gâtés de cette variété de mets de rahbat el-djmel et d?ailleurs. Ah ! ces grillades sur un feu de braise, ce hommess de ammi Allaoua, ce mokh echeikh qui consistait à servir un quart de galette chaude enduite de miel et de beurre fermier accompagné de l?ben, ces pieds d?agneau et ces gras doubles bouillis à l?eau salée, ces boureks de pomme de terre au persil roulés en cigare, si bons et si légers, qu?on en mangeait facilement une dizaine ! A Annaba, c?étaient des plats rapides, à la tunisienne, comme ces casse-croûte tunisiens tellement variés et si bons, ces adja aux merguez, au blanc de poulet ou aux crevettes, ces boureks variés. A Oran, qu?elle était délicieuse cette h?rira bezraâ accompagnée de ces petites galettes frites de pommes de terre, cette karantika fumante au cumin, ces fritures de sardines des baraques du port, ces petits plats de flifla à la tomate? A Tlemcen, c?était un régal de h?rira au levain accompagnée de kefta en sauce légèrement piquante, de foie grillé servi avec du sel et du cumin, de melfouf d?agneau enrobé de crépine grillée. Toutes nos villes étaient ainsi, à l?instar de Tunis, Sousse, Casablanca ou Fès, pleines de cette bonne cuisine populaire et tout le monde pouvait se régaler à peu de frais. Aujourd?hui, les plats qu?on propose sont aussi chers que tristounets. Ce ne sont plus que petits poulets fades et mal nettoyés tournés à la broche électrique, viande hachée pleine de graisse, pizzas pâlottes, hamburgers insipides et au goût de carton-pâte, chawarma de poulet accompagnés de frites froides et élastiques et de jus à l?acide citrique pour faire passer toutes ces horreurs.