Cinéma n Marock est un film traitant une réalité sociale et s?en va contre les tabous et un traditionalisme fondamentaliste. Après des courts métrages remarqués, notamment Deux cents dirhams, Laïla Marrakchi choisit, pour son premier long métrage, de raconter son année du bac. Elle l'a vécue à Casablanca et c'est là que se situe le film, en 1997, dans le quartier hyperbourgeois d'Anfa, à l'époque du roi Hassan II où la classe dirigeante était sûre de ses privilèges. Son actrice, Morjana Alaoui, y est une alter ego débordante d'énergie, farouche et rentre-dedans, incarnant une Rita qui veut mordre la vie à pleines dents au mépris des règles traditionnelles et notamment religieuses. A travers Rita et ses copains et copines, c'est une jeunesse espiègle et insouciante que Laïla Marrakchi cherche à décrire, qui provoque les aînés et affirme son indépendance pour entrer dans l'âge adulte. Son évidente occidentalisation ne signifie pas un désir de partir : elle n'en a pas besoin puisqu'elle a tout à sa disposition et les futures études à l'étranger ne mettent pas en cause son sentiment d'appartenance tranquille. Courses de voitures chicos, avalanche de musiques trépidantes choisies avec «Universal Music projets spéciaux», scènes récurrentes de dancing et de bars font de Marock un alignement de clips raccordés par de longs panoramiques sur le quartier. Les rapports entre les jeunes ne rompent pas avec cette superficialité érigée en style qui cherche à parler à la jeunesse en reprenant les codes supposés lui plaire. La relation amoureuse de Rita avec Benchetrit, un Juif marocain, mal vécue par la famille, occasion de s'affirmer au-dessus des préjugés, ne dépasse pas le roman sentimental style Adoras ou Harlequin et se résoudra, dans le scénario, par l'élimination de celui-ci afin de permettre à Rita d'aller tranquillement faire ses études à Paris. Leurs lourds échanges de regards et leurs chaudes embrassades ne pourront ainsi déboucher ni sur un approfondissement de la relation ni sur un renouveau. Avec Mao, le frère revenu d'Europe qui tend vers l'intégrisme, cette angoisse moderne est abordée comme une menace à l'émancipation de Rita, mais la superficialité de celle-ci a bien du mal à contrecarrer, dans le film, le reproche moraliste. Les excuses finales de Mao sonnent faux et le film risque ainsi d'aller à l'encontre de ce qu'il cherche à défendre. Car les provocations qu'il comporte, annoncées comme «risques» dans le dossier de presse, comme l'attitude des filles qui veulent «se taper» un beau garçon et qui ont sans doute valu au film sa sélection à Cannes, sont-elles vraiment de la liberté de ton ? A ce niveau de superficialité cinématographique, Marock risque malheureusement de conforter ce qu'il cherche à combattre.