Décor n A Baraki, une crevasse inhospitalière, la vie a bel et bien repris, mais les terres, à vocation agricole, désertées par leurs propriétaires durant les années de feu, attendent, depuis des années, d?être fertilisées. Le plan d?aide aux fellahs ne semble pas susciter l?engouement escompté. «Les gens qui ont fui la région ont appris à vivre ailleurs. Ils ont troqué leurs terres contre des appartements au centre-ville d?Alger. L?agriculture c?est presque fini?», se désole un habitant de Baraki, au courant de tout ce qui se passe dans le village. Du petit détail comme du grand. L?une des raisons de ce non-retour est le fait que «les exilés ont vendu tout le matériel et aujourd?hui, ils n?ont pas assez d?argent pour repartir à zéro», ajoute-t-il. Tout comme ses habitants, partis il y a un bail sous des cieux plus cléments, Baraki est devenue, c?est dans l?air du temps, tout simplement citadine. Tout le village s'est agglutiné autour de ses nouveaux trabendistes alors que les vieux commerçants se contentent de la baraka des miettes dans leurs échoppes obscures. Les villas cossues se disputent la moindre parcelle, le long de ses principales artères. Le décor est béton, brique pleine, échafaudages et maçons qui nagent dans leur sueur. Le décor, ce sont aussi des tonnes de boue quand il pleut averse. Des bambins qui courent dans tous les sens à la sortie de l?école pour éviter que leur tablier immaculé ne soit éclaboussé par une voiture qui passe à vive allure. Des années après le GIA, on peut déambuler sans escorte à Baraki. Les enfants ont réappris à jouer à autre chose qu?à chercher des douilles, comme ils le faisaient au lendemain de chaque accrochage. Aujourd?hui, le commerce bat son plein. Il marche bien et il n?y a pas de répit, de jour comme de nuit. Les bus vont et viennent de la cité des 2004-Logements jusqu?à une heure tardive de la nuit alors qu?auparavant, il n?y avait pas un commerce qui restait ouvert ou un bus circulant après 17 heures. La paix a repris du terrain. Les portraits de Abdelaziz Bouteflika aussi. Mais Baraki n?a pas pour autant retrouvé sa sérénité d?antan. Le désastre au quotidien est évidemment le chômage. A combien l?estime-t-on ? «A plus de 50%», affirment les responsables locaux et les débouchés sont de plus en plus rares. Sans terres, sans loisirs, sans travail excepté pour les «pistonnés» de l?Ansej, les jeunes tournent en rond, en tenant les murs. A Benghazi, Bentalha, et dans la banlieue de Baraki, le gaz est inexistant. «Ils viennent de partout se ravitailler en gaz butane dans la principale station-service du village à la sortie nord», déclare un pompiste. «Nous avons le sentiment d?avoir été oubliés», regrette un jeune vendeur de cigarettes et joueur de billard dans ses rares moments de loisir. Lui qui doit nourrir une famille nombreuse qui vit dans un bidonville lointain à la sortie de Benghazi après avoir fui la région de Benchicao à Médéa. Oubliés ? «Les ministres n?ont jamais mis les pieds ici», explique-t-on encore.