Résumé de la 5e partie n Les six jeunes filles continuent de rivaliser entre elles, à travers la poésie et les anecdotes. Mais quand fut la trois cent trente-cinquième nuit, Schahrazade dit : «... Et si la couleur noire n'était pas la plus estimée des couleurs, Allah ne l'eût pas rendue tellement chère au noyau des yeux et du c?ur. Aussi, qu'elles sont vraies ces paroles du poète : ?Si j'aime tant un corps d'ébène, c'est qu'il est jeune et contient un c?ur chaud et des prunelles de feu.? Quant à ce qui est blanc, ô l'horreur extrême ! Si des fois je suis forcé d'avaler un blanc d'?uf, ou de me consoler, à défaut de mieux, d'une chair couleur de blanc d'?uf, c'est fort rare. Mais jamais vous ne me verrez éprouver un amour extrême pour un linceul blanc, ou me plaire à des cheveux de même couleur.? «Et un autre poète a dit : ?Si je deviens fou de l'excès de mon amour pour cette femme noire au corps lustré, ne vous étonnez pas, ô mes amis, car toute folie, nous apprennent les médecins, est toujours précédée par des idées noires !? «Un autre a dit également : ?Je n'aime point ces femmes blanches dont on croirait la peau recouverte de farine dartreuse !? ?L'amie que j'aime est une noire dont la couleur est celle de la nuit et le visage celui de la lune : couleur et visage inséparables, car si la nuit n'existait pas il n'y aurait pas de clarté de lune !? «Et puis ! Quand se font-elles, les réunions intimes des amis, si ce n'est la nuit ? Et quelle gratitude ne doivent-ils point, les amoureux, aux ténèbres de la nuit qui favorisent leurs ébats, les préservent des indiscrets et les abritent contre les blâmes ? Mais en revanche, quels sentiments de répulsion n'ont-ils point contre le jour indiscret qui les dérange et les compromet ? Cette seule différence devrait te suffire, ô blanche ! «Mais écoute encore ce que dit le poète : ?Je n'aime point ce garçon lourd dont la couleur blanche est due à la graisse dont il est bouffi ; mais j'aime ce jeune Noir, svelte et mince, aux chairs fermes. Car de ma nature j'ai toujours préféré comme monture, pour la joute des lances, un jeune étalon aux fins jarrets, et j'ai laissé les autres monter les éléphants !? «Et un autre a dit : ?L'ami est venu me voir cette nuit. Le matin nous surprit ensemble encore ! Si j'ai un v?u à formuler au Seigneur, c'est de faire de tous mes jours des nuits pour que jamais ne me quitte l'ami !? «Si donc, ô blanche, je devais continuer à t'énumérer les mérites et les louanges de la couleur noire, j'irais contre ce dicton : ?Des mots nets et courts valent mieux qu'un long discours !? Seulement je dois encore te dire que tes mérites à côté des miens font une bien piètre mine. Tu es blanche, en effet, comme la lèpre est blanche et fétide et suffocante ! Et si tu te compares à la neige, oublies-tu donc que dans l'enfer, il n'y a pas seulement du feu, mais que, dans certains endroits, la neige produit un froid terrible qui torture les réprouvés plus que la brûlure des flammes ? Et si tu me compares à l'encre, oublies-tu que c'est avec l'encre noire qu'est écrit le Livre d'Allah, et que noir est le musc précieux dont les rois se font des présents ? Enfin je te conseille, pour ton bien, de te rappeler ces vers du poète : ?N'as-tu point remarqué que le musc ne serait plus le musc s'il n'était si noir, et que le plâtre n'est si méprisable que parce qu'il est blanc ? ?Et le noir de l'?il, quel prix n'y attache-t-on pas, alors qu'on s'inquiète si peu du blanc !?» (à suivre...)