Résumé de la 6e partie n La compétition verbale entre les six jeunes filles se poursuit en présence de leur maître. A ces paroles de Prunelle-de-l'?il, son maître, Ali El-Yamani, lui dit : «Certes, ô noire, et toi esclave blanche, vous avez toutes deux excellemment parlé. Au tour maintenant de deux autres !» Alors la grosse et la mince se levèrent, tandis que la blanche et la noire regagnaient leur place. Et elles se tinrent debout en face l'une de l'autre, et la grosse, Pleine-Lune, se disposa à parler la première. Mais auparavant elle commença par se déshabiller, mettant à découvert ses poignets, ses chevilles, ses bras et ses cuisses, et elle finit par se mettre presque complètement nue de façon à bien faire valoir l'opulence de son ventre aux magnifiques plis superposés, et la rondeur de son nombril ombreux et la richesse de sa croupe considérable. Et elle ne garda sur elle que sa chemise dont le tissu léger et transparent, sans cacher ses formes arrondies, les voilait agréablement. Et alors seulement, après quelques frissonnements, elle se tourna vers sa rivale, la mince Houria-du-Paradis, et lui dit... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et se tut discrètement. Mais lorsque fut la trois cent trente-sixième nuit, elle dit : ... Et alors seulement la grasse Pleine-Lune, après quelques frissonnements, se tourna vers sa rivale la mince Houria-du-Paradis, et lui dit : «Louanges à Allah qui m'a créée avec de l'embonpoint, qui a mis des coussins dans tous mes coins et mes recoins, qui a pris soin de me farcir la peau avec de la graisse qui sent le benjoin de près et de loin et qui, néanmoins, n'a point refusé de me donner, comme appoint, assez de muscles pour, en cas de besoin, appliquer à mon ennemi un coup de poing qui en fasse une marmelade de coings. «Or, ô maigre, sache que les sages ont dit : ?La joie de la vie et la volupté consistent en trois choses : manger, dormir et s?amuser.?? «Qui pourrait, sans frémir de plaisir, contempler mes formes plantureuses ? Allah lui-même, dans le Livre, fait l'éloge de la graisse quand il commande d'immoler dans les sacrifices des moutons gras ou des agneaux gras ou des veaux gras. «Quel est le volatile qui fut le plus regretté dans le désert par les Bani-Israël en fuite hors d'Egypte ? N'est-ce point la caille à la chair juteuse et grasse ? A-t-on jamais vu quelqu'un s'arrêter chez le boucher pour lui demander de la chair étique ? Et le boucher ne donne-t-il pas à ses meilleurs clients les morceaux les plus charnus ? «Ecoute d'ailleurs, ô maigre, ce que le poète dit au sujet de la femme grasse comme je le suis : ?Regarde-la marcher quand elle remue des deux côtés deux outres balancées, lourdes et redoutables dans leur lascivité ! ?Regarde-la quand elle s'assied, comme elle laisse à l'endroit quitté, en souvenir de son passage, ses formes imprimées ! ?Regarde-la danser quand d'un coup de hanche elle fait se pâmer nos âmes, et tomber nos c?urs à ses pieds !? «Quant à toi, ô maigre, à quoi peux-tu bien ressembler sinon à quelque moineau déplumé ; et tes jambes sont-elles faites autrement que les pattes du corbeau ; et tes cuisses ne ressemblent-elles pas au bâton du four ; et ton corps en n'est-il point sec et dur comme le poteau du pendu ? Et c'est bien de toi, femme décharnée, qu'il s'agit dans ces vers du poète : ?Qu'Allah me préserve d'être jamais forcé d'accoler cette femme maigre. ?Elle a dans chaque membre une corne qui se heurte et se bat avec mes os, tant que je me réveille avec la peau bleuie et fendillée !?» Lorsque Ali El-Yamani eut entendu ces paroles de la grasse Pleine-Lune, il dit : «Tu peux maintenant t'arrêter ! Au tour de Houria-du-Paradis !» (à suivre...)