Résumé de la 10e partie n Charmé par le talent et l?érudition des six jeunes filles, le khalife fit part à Mohamed El-Bassir de son désir de les acheter. El-Mâmoun dit : «Prends avec toi, pour prix de chacune d'elles, dix mille dinars : ce qui fait en tout soixante mille dinars. Tu les remettras de ma part à cet Ali El-Yamani, et tu lui diras que je désire ses six esclaves !» A ces paroles du khalife, Mohammad El-Bassri se hâta de prendre la somme en question et alla trouver le maître des esclaves, à qui il fit part du désir de l'émir des Croyants. Ali El-Yamani, dans son premier mouvement, n'osa pas se refuser à la demande du khalife et, ayant touché les soixante mille dinars, il remit les six esclaves à Mohammad El-Bassri qui les conduisit aussitôt entre les mains d'El-Mâmoun. Le khalife, à leur vue, fut à la limite de l'enchantement tant de la variété de leur couleur que de leurs manières élégantes, de leur esprit cultivé et de leurs divers agréments. Et il leur donna à chacune, dans son harem, une place de choix et, durant plusieurs jours, il put jouir de leurs perfections et de leur beauté. Sur ces entrefaites, le premier maître des six, Ali El-Yamani, sentit peser sur lui la solitude et se mit à regretter le mouvement qui l'avait fait céder au désir du khalife. Puis un jour, à bout de patience, il envoya au khalife une lettre pleine de désespoir, où, entre autres choses tristes, il y avait les vers suivants : «Que mon salut désespéré aille aux belles dont mon âme est séparée. Elles sont mes yeux, mes oreilles, ma nourriture, ma boisson, mon jardin et ma vie. «Depuis que j'en suis éloigné, rien ne vient distraire ma douleur, et le sommeil lui-même a fui mes paupières ! «Que ne les ai-je, plus jaloux que ne je ne l'ai été, enfermées toutes les six dans mes yeux, et sur elles que n'ai-je abaissé mes paupières comme rideaux ! «O douleur ! ô douleur ! J?eusse préféré n'être point né que de tomber blessé par des flèches ? leurs regards ? meurtrières, retirées de la blessure !» Lorsque le khalife El-Mâmoun eut parcouru cette lettre, comme il avait une âme magnanime, il fit appeler en toute hâte les six adolescentes, leur donna à chacune dix mille dinars, et des robes merveilleuses, et d'autres cadeaux admirables, et les fit aussitôt rendre à leur ancien maître. Lorsque Ali El-Yamani les vit arriver, plus belles qu'elles ne l'avaient jamais été, et plus riches et plus heureuses, il fut à la limite de la joie, et continua à vivre avec elles dans les délices et les plaisirs, jusqu'au jour de la séparation dernière !