Résumé de la 46e partie n Et la bataille des prix commence entre le Bédouin, maître de la délicieuse Nôzhatou, et le marchand envoûté déjà par la voix de l?esclave. A ces paroles, dites avec l'accent le plus triste, le vieux marchand sentit ses yeux se mouiller de larmes. Et la jeune Nôzhatou aussi ne put retenir ses larmes et récita plaintivement ces strophes : «Mon c?ur te garde, ô voyageur ! Vers quelles terres es-tu parti, chez quels peuples, dans quelle demeure habites-tu ? «A quelle source bois-tu, ô vagabond ? Ici, moi, celle qui te pleure, je me nourris des roses de mon souvenir et je me désaltère à l'abondante source de mes yeux. «Et de difficile ou dur à ma pensée, il n'est rien que ton éloignement. Car tout le reste, à côté, m'est maintenant chose riante et aisée.» Mais le Bédouin trouva que la conversation durait trop longtemps et il s'approcha de Nôzhatou, le fouet levé, et lui dit : «Qu'as-tu à bavarder de la sorte ? Lève ton voile de visage et finissons-en !» Alors Nôzhatou regarda le marchand et lui dit d'un ton désolé : «O vénérable vieillard, de grâce ! délivre-moi des mains de ce brigand sans foi qui ne connaît pas Allah ! Sinon, cette nuit même, je me tuerai certainement !» Alors le marchand se tourna vers le Bédouin et lui dit : «O cheikh des Bédouins, en vérité, cette jeune fille est pour toi un embarras. Vends-la-moi donc au prix que tu veux !» Mais le Bédouin s'écria : «Je te répète que c'est à toi à faire l'offre, ou je vais tout de suite la reprendre et la ramener au désert faire paître les chameaux et ramasser les excréments des bestiaux !» Alors, le marchand lui dit : «Eh bien ! pour en finir, je t'en offre, entends-moi bien, la somme de cinquante mille dinars d'or.» Mais cette brute entêtée répondit : «Ah, non ! Qu'Allah nous assiste ! cela ne fait pas l'affaire !» Alors le marchand dit : «Soixante-dix mille dinars !» Mais le Bédouin dit : «Qu'Allah nous assiste ! Cela ne couvre pas même le capital que j'ai dépensé à la nourrir et à lui acheter des galettes d'orge ! Car, sache-le bien, ô marchand, j'ai dépensé pour elle, rien qu'en galettes d'orge, quatre-vingt-dix mille dinars d'or !» Alors le marchand, ahuri par la folie de cette brute, lui dit : «Mais, ô Bédouin, toi et tes parents et tous ceux de ta tribu, pendant toute votre vie, vous n'avez certainement pas mangé pour seulement cent dinars d'orge ! Mais, enfin, je vais te faire ma dernière offre et te dire ma dernière parole, et si tu refuses, j'irai de ce pas trouver le prince Scharkân, wali de Damas, et lui rapporter les mauvais traitements subis par cette jeune esclave que tu as certainement volée, ô brigand pillard !» A ces paroles, le Bédouin dit : «Soit ! propose un peu cette somme, voyons !» Et le marchand dit : «Cent mille dinars !» Alors le Bédouin dit : «Je te cède l'esclave à ce prix, car j'ai besoin d'aller au souk acheter du sel.» Alors le marchand ne put s'empêcher de rire ; et il prit le Bédouin et la jeune esclave et les conduisit chez lui, et paya intégralement au Bédouin la somme convenue, après l'avoir fait peser soigneusement, dinar par dinar, par le peseur public. Alors le Bédouin sortit et remonta sur son chameau et prit le chemin de Jérusalem en se disant : «Si la s?ur m'a rapporté cent mille dinars, le frère m'en rapportera au moins autant. Je vais donc aller à sa recherche.» Et, en arrivant à Jérusalem, il se mit en effet à la recherche de Daoul'makân dans tous les khâns ; mais comme celui-ci était déjà parti avec le chauffeur du hammam, le cupide Bédouin ne le trouva pas. Et voilà pour le Bédouin. Mais pour ce qui est de la jeune Nôzhatou... A ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut. (à suivre...)