Résumé de la 9e partie n Soelil-du-Jour et Flamme-du-Brasier se levèrent et vinrent se tenir en face l?une de l?autre pour un round verbal. Mais lorsque fut la trois cent trente-huitième nuit, elle dit : «... Voici quelques-uns seulement des poèmes ouvragés en mon honneur. Un poète a dit : ?Les brunes ont en elles un sens caché. Si tu le devines, tes yeux ne daigneront jamais plus regarder les autres femmes. ?Elles savent, les enchanteresses, l'art subtil dans tous ses détours, et l'enseigneraient même à l'ange Harout.? «Un autre a dit : ?J'aime une brune charmante dont la couleur m'enchante et dont la taille est droite comme la lance. ?La soyeuse petite tache noire, tant caressée qui orne son cou, tant de fois m'a ravi ! ?Par la couleur de sa peau lisse, par le parfum délicat qui s'en exhale, elle ressemble à la tige odorante de l'aloès. ?Et quand la nuit étend les voiles des ombres, elle vient me voir, la brune. Et je la retiens auprès de moi, jusqu'à ce que les ombres elles-mêmes deviennent de la couleur de nos songes !? «Mais toi, ô jaune, tu es fanée comme les feuilles de la mouloukhia de mauvaise qualité que l'on cueille à Bab El-Louk et qui est fibreuse et dure. «Tu as la couleur de la marmite en terre cuite qui sert au marchand de têtes de mouton. «Tu as la teinte de l'ocre et de l'orpiment dont on se sert au hammam pour s'épiler, et du chiendent. «Tu as un visage de cuivre jaune, semblable aux fruits de l'arbre akoum qui, dans l'enfer, porte comme fruits des crânes diaboliques. «Et c'est de toi que le poète a dit : ?Le sort m'a doté d'une femme à la couleur jaune si criarde qu'elle me fait mal à la tête, et que mon c?ur et mes yeux tressautent de malaise. ?Si mon âme ne veut pas renoncer pour toujours à la voir, pour me punir je me donnerai de grands coups au visage, de façon à m'arracher les molaires !?» Lorsque Ali El-Yamani eut entendu ces paroles, il se trémoussa de plaisir, et se mit à rire tellement qu'il tomba à la renverse, après quoi il dit aux deux adolescentes de s'asseoir à leur place et, pour leur prouver à toutes la joie qu'il avait eue de les entendre, il leur fit des dons égaux, en belles robes et en pierreries terrestres et marines ! «Et telle est, ô émir des Croyants, continua Mohammad El-Bassri en s'adressant au khalife El-Mâmoun, l'histoire de ces six adolescentes qui, maintenant, continuent à vivre en bons termes entre elles, dans la demeure de leur maître Ali El-Yamani, à Bagdad, notre ville !» Le khalife fut charmé à l'extrême de cette histoire et demanda : «Mais, ô Mohammad, sais-tu au moins où est la maison du maître de ces adolescentes ? Et pourrais-tu aller lui demander s'il veut les vendre ? S'il veut les vendre, achète-les-moi et me les amène !» Mohammad répondit : «Ce que je puis te dire, ô émir des Croyants, c'est que je suis sûr que le maître de ces esclaves ne voudra pas s'en séparer, vu qu'il en est amoureux à l'extrême !» (à suivre...)