Marketing n Le paysage culturel d?El-Bahia qui a longtemps végété dans la morosité trouve une fenêtre en mesure de favoriser sa résurrection. L'auteur, usant de mots simples, concis et accrocheurs, griffonne d'une main légère une dédicace sur la page de garde de l'ouvrage qu'il vient de faire paraître quelques jours auparavant. Le lecteur, ayant suivi la présentation du livre savamment faite par un collègue de l'auteur, se dirige d'un pas alerte vers la table où s'est installé le romancier, met sa main dans sa poche, retire une poignée de dinars pour se procurer un exemplaire du livre dédicacé. Cette scène se répète souvent à Oran à l'occasion des ventes-dédicaces, devenues un événement qui attire une foule de passionnés de lecture. Ce phénomène nouveau est aujourd'hui un moyen incontournable pour faire la promotion du livre et de son auteur. Les spécialistes dans le domaine de l'édition s'accordent à reconnaître que l'apparition de ce mode de promotion et de publicité est en partie due aux contraintes qu'a vécues la création artistique et culturelle à Oran, et à l'absence de revues spécialisées notamment celles liées à la critique littéraire. La vente-dédicace est venue combler le déficit constaté dans le domaine des circuits de diffusion et la distribution du produit livresque. Le romancier Boudouiya, auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels, L'Epopée d'une religieuse au Sahara, considère que cette pratique a «largement contribué à raffermir les liens» entre l'auteur et le marché littéraire du fait «que certaines maisons d'édition ne voient dans le livre qu'une banale marchandise». La vente-dédicace, a-t-il ajouté, a permis aux auteurs de briser les carcans et faire parvenir leurs voix à leurs lecteurs potentiels sans transiter par des canaux de promotion souvent coûteux. Pour sa part, le sociologue Nadjah Mebarek, trouve que «la vente-dédicace s'est transformée dans le sillage des mutations qui ont marqué la société algérienne, en un salon culturel à l'image des salons de l'âge d'or de la littérature. Elle est devenue un espace où s'imbriquent le fait culturel et l'aspect social et commercial qui a poussé les maisons d'édition à y voir un outil de publicité, de promotion et de marketing». Pour certains, cette pratique constitue un bon outil de marketing qui permet à l'auteur de présenter son ?uvre. Elle doit bénéficier, estime le Pr Mohamed Daoud, de l?université d?Oran, d'une organisation qui ferait d'elle un espace de convivialité et d'échanges culturels. C'est pourquoi, précise-t-il, «Il faudrait penser à créer des cellules de communication au niveau des maisons d'édition et des librairies». La pratique a transformé l'auteur en troubadour prenant son «livre de pèlerin» pour sillonner les wilayas et partir à la rencontre de potentiels lecteurs. Il est devenu un auteur-promoteur et diffuseur qui ne se lasse pas de ressasser, de disséquer et de débattre de son produit avec un lectorat changeant au gré de ses pérégrinations.