Exclusion L?école primaire algérienne a, de tout temps, été marginalisée ? excepté dans les années 1960-1970 ? au profit d?un cycle-vitrine, le secondaire. Il est bien vrai que les résultats au bac sont l?étalon de mesure du système d?enseignement. Mais ce qui est regrettable ? condamnable ? réside dans la cécité des décideurs du secteur qui ont ignoré cette vérité première : la réussite scolaire se forge dès les premières années d?école primaire. Comme un arbre. Mal planté, dans un sol non préparé et privé d?entretien dès sa plantation, l?arbre grandira péniblement. Il ne donnera pas une belle récolte, une fois atteint l?âge de la production. Comment ne pas évoquer ce traitement, à la limite du mépris, dont a été gratifiée notre école primaire ? A commencer par les répartitions budgétaires ? le nerf de la guerre, d?où elle est exclue. Ce sont les APC qui sont chargées de l?entretien des infrastructures. On a vu, au cours d?hivers rigoureux, des enfants d?écoles rurales grelotter de froid. L?APC n?avait pas d?argent pour alimenter l?école en mazout. Pis, les estomacs vides des petits bambins souffraient la faim. De cantine point ! Les exemples sont trop nombreux pour les aligner dans un article de presse. Le comble est atteint avec la politique de discrimination menée insidieusement au nom d?un égalitarisme de mauvais aloi. Soumises au même régime statutaire, les écoles primaires des régions pauvres sont pénalisées par la faiblesse des moyens débloqués par leurs APC. Ce qui ne sera jamais le cas des écoles d?El-Biar, du Club des Pins ou d?Hydra. Pour ce qui est du volet de la gestion pédagogique, il est de tradition ? pas pour longtemps, nous l?ésperons ? de sanctionner en le dégradant un enseignant du cycle supérieur en l?affectant vers les classes inférieures. A croire que ces dernières ne sont pas soumises à la rigueur et au professionnalisme. Qui n?a pas vu des exclus du système scolaire ou des chômeurs universitaires sans préparation aucune, se faire offrir un poste dans une école primaire ? Alors que dans les pays avancés ce sont les plus chevronnés qui encadrent les premières années du cycle primaire. La bonne volonté ou l?enthousiasme ne sauraient compenser l?absence d?une formation pédagogique appropriée. Entre les mains de novices, nos enfants risquent gros. Les nouvelles modalités de recrutement poussent à l?optimisme. En exigeant un niveau universitaire au postulant au poste d?instituteur, le MEN s?assure d?un minimum garanti. Mais est-ce suffisant ? La double formation initiale et continue impose à la tutelle des obligations : qualité des plans d?étude, durée de la formation, plan de carrière (perfectionnement, recyclage, promotion au mérite). D?autres paramètres entrent en jeu et ils déterminent, eux aussi, la qualité de l?école primaire : les programmes, les méthodes d?enseignement, l?organisation pédagogique des écoles, les rythmes scolaires. Sans oublier le statut social de ce bâtisseur d?avenir qu?est le maître d?école. Que demander à un enseignant trop mal payé ? De l?intérêt porté par l?Etat à l?école primaire, la base de l?édifice scolaire, dépendent la solidité et l?efficacité de ce dernier. Comme dirait le pédagogue nourri de bon sens : «Donnez-moi une bonne école primaire et je vous offrirai sur un plateau une université florissante.» Nous revenons à cet arbre bien planté et entretenu avec amour et savoir-faire : sa récolte sera des plus juteuses et abondantes. Le tout est de savoir si les décideurs politiques veulent vraiment ce type de récolte. Pas sûr?