Colloque n Ibn Khaldoun est une mine d'or contenant tout ce dont ont besoin les sociétés arabes. Une journée d?étude consacrée à Ibn Khaldoun, penseur, historien et sociologue arabe des temps médiévaux, organisée à l?occasion du sixième centenaire de sa disparition, s?est tenue mardi, à la Bibliothèque nationale. Y ont pris part de nombreux spécialistes de la pensée khaldounienne. Dans son intervention, Abdallah Cheriet, universitaire, dira que la culture fut l'un des thèmes traités par Ibn Khaldoun qui la scinda en deux : une culture théorique où beaucoup de gens apprennent des termes dénués de sens et qu'ils utilisent fièrement sans en tirer profit et une culture scientifique où les érudits s'imprègnent des sciences et des idées philosophiques. «L?enseignement de ce type de culture, dira l?intervenant, aide, selon Ibn khaldoun, à constituer une société.» Abdelkader Djeghloul, écrivain et critique, dira, pour sa part, que «Ibn Khaldoun est une figure emblématique de notre temps», que «le temps, avec lui, n?est pas mort, il est interéactif», puisque sa pensée est d?actualité, elle peut nous aider à comprendre le passé, à expliquer le présent et à envisager notre avenir. Par ailleurs, Mgr Tessier, archevêque d?Alger, évoque le côté longtemps méconnu du penseur. «C?est un personnage qui s?est intéressé aux sciences théologiques (fiqh) et a consacré une partie de son temps au soufisme.» Ibn Khaldoun, qui avait le souci de réfléchir aux questionnements de son temps, était, selon l?intervenant, très attaché à sa foi tout en restant ouvert à la critique et se nourrissant des connaissances et des sciences profanes. Ibn Khaldoun s?était, d?ailleurs, opposé, selon Ammar Mahmoudi, linguiste, à l?école dogmatique, au discours scolastique véhiculé et prôné, à son époque, par des conservateurs, car «de tels enseignements, dit-il, font reculer la société et la font stagner dans l?immobilisme». Quant à Noureddine Hakiki, docteur d?Etat en lettres et en sciences humaines, il s?interroge sur l?exercice du discours d?Ibn Khaldoun et l?usage de ses concepts dans notre présent, d?où la mission du laboratoire «Changement Social» qu?il dirige à l?université d?Alger. «Notre équipe travaille sur les concepts qu?a produits Ibn Khaldoun pour essayer de comprendre les phénomènes sociaux de notre temps», explique-t-il. Mustapha Haddab précise, de son côté, qu?Ibn Khaldoun encourageait le dialogue et l?échange entre les sociétés, car cela aide l?individu à évoluer et à progresser dans l?Histoire. Il dira qu?Ibn Khaldoun insistait sur le fait que «les capacités intellectuelles sont de l?ordre de l?acquis qui, lui, vient de l?échange». l Le sixième centenaire de la disparition de Ibn Khaldoun intervient dans une époque marquée par des idées antagoniques, une époque inscrite dans des situations complexes et particulièrement conflictuelles, une époque historique où se sont imposés ? et multipliés ? ce que nous pouvons communément appeler dialogue des civilisation ou dialogue des religions, une confrontation entre l?Orient et l?Occident. Célébrer en Algérie ou ailleurs le sixième centenaire, c?est tenir compte de la pensée khaldounienne pour mieux se situer dans notre présent, expliquer ces phénomènes, fluides et contradictoires, phénomènes qui le font fonctionner dans une imbrication de lois complexes agissant de manière à régir les comportements de la société en confrontation constante avec le monde extérieur, mais aussi des sociétés repliées sur elles-mêmes, ayant renoncé, il y a bien longtemps, à la raison, ne tenant plus compte des connaissances empiriques et de la scienticité des faits. La question qui se pose aujourd?hui est de savoir de quelle manière pouvons-nous enseigner la pensée de Ibn Khaldoun qui est à même d'apporter des solutions à nombre de problèmes contemporains et comment la transmettre aux générations futures. Pouvons-nous l?enseigner dans une époque où les sociétés arabes végètent sous l?emprise de la dictature ? Car, soulignons-le, le discours khaldounien est considéré subversif et hérétique pour les esprits imperméables au renouveau.