Approche n Pour la sociologue, quand le jeune s?habille, c?est pour dire qu?il existe. Il s?agit d?une sorte de revendication et d?affirmation sociale. InfoSoir : Les jeunes optent de plus en plus pour la mode. En sociologie, peut-on parler, dès lors, de phénomène ? ll Mme Oussedik : Les effets vestimentaires sont, en quelque sorte, une affirmation de soi. On porte un genre stéréotypé pour affirmer que l?on appartient à tel ou tel groupe. En sociologie, on préfère le mot tribu. Nos garçons et nos filles préfèrent la mode car ils pensent vivre à un rythme effréné, suivre l?évolution, s?adapter aux conjonctures et se forger leur propre personnalité. C?est-à-dire faire en sorte de devenir foncièrement différent des autres, des adultes et de leurs valeurs jugées, au yeux de ces jeunes, dépassées et obsolètes. Différent oui, mais on finit par s?apercevoir que tout le monde se ressemble dans ce monde qui va si vite? ll Oui, c?est parce qu?ils sont en train de former une tribu propre à eux. Avec des vertus propres à eux. Ils veulent avoir une identité personnelle et arrivent à tisser entre eux des liens par effet de contagion. Et c?est cela le miracle de la mode. On veut être différent des autres, mais on finit par devenir comme les autres, car tout le monde voit exactement de la même manière dans la même direction. Nos jeunes ont aujourd?hui comme repères le beau jean, le beau Nike ou Adidas et le look toujours nouveau. Loin du monde des adultes, trop austère à leur goût. La mode nourrit incontestablement la confusion qui s'installe entre le monde des adultes et celui de l'enfance, que l?éducation n?est malheureusement pas en mesure de réhabiliter. Selon vous, quelles sont les causes de cet engouement ? ll Dans le milieu des jeunes, le look est le premier aspect sur lequel on vous juge. Pour eux, l?essentiel c?est de se sentir bien dans sa peau. La parabole a généré ce qu?on appelle communément un monde uni avec des valeurs unies. L?industrie et le marketing ont joué un rôle de premier ordre dans le changement de la consommation et des valeurs aussi. On est, il ne faut pas l?oublier, dans une économie marchande où tout va si vite que les changements s?opèrent sans discontinuité. On est loin des traditionnels haïk, kechabia et pantalons aâreb qui ont fait leur temps, mais continuent d?être perçus comme des objets de prestige et de patrimoine. (*) Maître de conférence à l?Institut de sociologie de l?université d?Alger.